Sommaire :

Staline - Les questions du léninisme

Sommaire détaillé

Extraits

Les communistes et les syndicats

Le danger de restauration capitaliste en URSS

 La déviation de droite dans les PC d'occident

Le pacifisme de la SDN, le traité de Versailles

Le bilan du 1er plan quinquennal

La situation internationale en 1939

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Tome I Tome II Tome III

« Abstraction faite de la discussion de 1905-1906, la question de la réalisation du socialisme dans un pays isolé s'est posée pour la première fois dans le parti au cours de la guerre impérialiste, en 1915. Lénine formula alors sa thèse de la « possibilité de la victoire du socialisme dans un seul pays capitaliste ». Trotsky la combattit et déclara : « On ne saurait espérer, par exemple, que la Russie puisse tenir contre l'Europe conservatrice ». En 1921, après la révolution d'Octobre et la guerre civile, la question de la réalisation du socialisme vint de nouveau à l'ordre du jour dans le parti. C'était le moment où l'adoption de la nouvelle politique économique était interprétée par certains camarades comme une renonciation aux tâches socialistes, à l'édification du socialisme. Dans sa brochure L'impôt agricole, Lénine définit alors la Nep comme la condition nécessaire pour réaliser la soudure de l'industrie et de l'économie rurale et créer une base solide pour l'édification du socialisme. En janvier 1922, dans la préface de son ouvrage intitulé : 1905, Trotsky soutient une thèse tout opposée. Il déclare que « les contradictions auxquelles un gouvernement ouvrier est aux prises dans un pays arriéré, à population rurale prédominante, ne peuvent trouver leur solution qu'à l'échelle internationale, sur l'arène de la révolution mondiale du prolétariat ». Un an après, nous avons de nouveau deux déclarations contraires : celle de Lénine au soviet de Moscou : « La Russie de la Nep deviendra la Russie socialiste » et celle de Trotsky dans la postface de son Programme de paix : « L'essor véritable de l'économie socialiste en Russie ne sera possible qu'après la victoire du prolétariat dans les principaux pays d'Europe ». Enfin, peu avant sa mort, en mai 1923, Lénine revient à cette question dans son article De la coopération, où il déclare que nous possédons, dans notre Union soviétique, « tout ce qui est nécessaire à la réalisation du socialisme intégral ». De cet historique succinct, il ressort que la réalisation du socialisme dans notre pays est un des problèmes qui ont le plus préoccupé notre parti. Inutile de dire que si Lénine est si souvent revenu à cette question, c'est qu'il la considérait comme fondamentale. » (Tome I, p. 290.)

 

Numérisé dans son intégralité par mes soins, cet ouvrage capital est disponible au format PDF en téléchargement. Les Questions du léninisme représente un recueil de textes qui a vu plusieurs éditions au cours desquelles des textes plus récents étaient ajoutés et d'autres retranchés afin de conserver à l'ouvrage des dimensions raisonnables. Cette édition numérique unique a été composée à partir de deux éditions : d'une part, celle de 1931 des Editions sociales et d'autre part, celle de 1970 des Editions Naim Frashëri de Tirana. Il résulte de cette édition numérique, qu'elle couvre précisément la période allant de 1924 à 1939, période clé de l'essor du socialisme qui a vu passer l'URSS de statut de pays arriéré, agraire et féodal à celui de superpuissance socialiste ; il résulte de cela que cette édition possède une valeur intrinsèque indépendante de l'original.

 

 

 

Sommaire détaillé :

 

Tome I

 

Préface.

Du léninisme.

1.   Définition du léninisme

2.   L'essentiel dans le léninisme

3.   La question de la révolution « permanente »

4.   La révolution prolétarienne et la dictature du prolétariat

5.   Le parti et la classe ouvrière dans le système de la dictature du prolétariat

6.   La question de la victoire du socialisme dans un seul pays

7.   La lutte pour la réalisation du socialisme

Les bases du léninisme (Conférences faites à l'université Sverdlov au début d'avril 1924).

I. Les racines historiques du léninisme

II. La méthode

III. La théorie

IV. La dictature du prolétariat

V.  La question paysanne

VI. La question nationale

VII.  Stratégie et tactique

VIII.  Le parti

IX.  Le style

La révolution d'Octobre et la tactique des communistes russes (Préface à l'ouvrage « Vers Octobre »).

I.  La situation extérieure et intérieure de la révolution d'Octobre

II.   Deux particularités de la révolution d'Octobre, ou Octobre et la théorie de la révolution permanente de Trotsky

III.  Quelques particularités de la tactique des bolcheviks dans la période de préparation d'Octobre

IV.   La révolution d'Octobre, commencement et facteur de la révolution mondiale

Résumé des travaux de la XIVe conférence du P.C.R. (Rapport du 9 mai 1925)

I.   La situation internationale

II.  Les tâches actuelles des partis communistes des pays capitalistes

III.  Les tâches actuelles des éléments communistes des pays coloniaux et vassaux

IV.  L'avenir du socialisme en U. R. S. S.

V.  La politique du parti à la campagne

VI.   L'industrie métallurgique

La question nationale en Yougoslavie (Discours à la commission yougoslave du C.E. de l'I.C. le 30 mars 1925)

Les taches politiques de l'université des peuples d'Orient (Discours à l'U. C. T. O. le 18 mai 1925)

I.  Les tâches de l’U. C. T. O. à l'égard des républiques soviétiques d'Orient

II.  Les tâches de l'U. C. T. O. à l'égard des pays coloniaux et vassaux d'Orient

Mise au point sur la question nationale (A propos de l'article de Sémitch)

Questions et réponses (Discours prononcé à l'université Sverdlov le 9 juin 1925)

Les taches de l'Union des jeunesses communistes (Réponse aux questions de la Pravda de l’U. J. C.)

Rapport politique du C. C. au XIVe congrès du P. C. de l'U. R. S. S.

I.  La situation internationale

La stabilisation du capitalisme

L'impérialisme, les colonies et demi-colonies

Vainqueurs et vaincus

Les antagonismes entre les pays vainqueurs

Le monde capitaliste et l'Union soviétique

La situation extérieure de l'U. R. S. S.

Les tâches du parti

II.  La situation intérieure de l'U. R. S. S.

Etat général de l'économie nationale

Industrie et agriculture

Quelques questions commerciales

Les classes, leur activité, leurs rapports

Trois mots d'ordre de Lénine sur la question paysanne

Deux dangers et deux déviations dans la question paysanne

Les tâches du parti

III. Le parti

Discours de clôture

Sokolnikov et la « dawisation » de notre pays

Kaménev et nos concessions aux paysans

Qui s'est trompé ?

Comment Sokolnikov défend les paysans pauvres

Lutte idéologique ou campagne de calomnies ?

La Nep

Du capitalisme d'Etat

Zinoviev et la paysannerie

Historique de nos divergences

La plate-forme de l'opposition

Leur « amour de la paix »

Le parti maintiendra son unité

 

 

Tome II

 

Entretien avec la première délégation ouvrière américaine

I. Questions posées par la délégation et réponses du camarade Staline

II.  Questions du camarade Staline et réponses des délégués

Entretien avec les délégations ouvrières de l'étranger

Rapport politique du C.C. au XVe congrès du P.C. de l'U.R.S.S.

A. Rapport (3 décembre 1927)

I. Crise grandissante du capitalisme mondial et situation extérieure de l'U.R.S.S.

1.  Etat économique du capitalisme mondial et aggravation de la lutte pour les marchés extérieurs

2.  Politique internationale du capitalisme et préparation de nouvelle guerres impérialistes

3.  Etat du mouvement révolutionnaire et présages d'un nouvel élan révolutionnaire

4.  Le monde capitaliste et l'U.R.S.S

5.  Conclusion

II. Les succès de l'édification socialiste et la situation intérieure de l'U.R.S.S.

1.  L'économie nationale dans son ensemble

2.  Le rythme du développement de notre grande industrie socialiste

3.  Le rythme du développement de notre économie rurale

4.  Les classes, l'appareil d'Etat, le développement culturel du pays

III.  Le Parti et l'opposition

1.  L'état du Parti

2.  Le bilan de la discussion

3.  Les divergences fondamentales entre le Parti et l'opposition

4.  Comment agir dès lors avec l'opposition ?

IV. Le bilan général

B. Discours de clôture (7 décembre 1927)

I. Sur le discours de Rakovski

II. Sur le discours de Kaménev

III. Conclusion

Sur le front des céréales

Lénine et l'alliance avec le paysan moyen

Plénum de juillet du Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique

I. Problèmes de l'Internationale communiste

1.  Les problèmes essentiels touchant le VIe congrès de l'Internationale communiste

2.  Le problème de l'Internationale communiste

II. Problèmes de l'édification socialiste en U.R.S.S.

1.  Sur la politique du stockage des blés

2.  Formation de cadres pour l'édification industrielle

III. Conclusion

Le danger de droite dans le P.C. de l'U.R.S.S

L'industrialisation du pays et la déviation de droite dans le Parti communiste de l'Union soviétique

I. Le rythme de développement de l'industrie

II. Le problème des céréales

III. La lutte contre les déviations et l'attitude conciliante à leur égard

Sur le danger de droite dans le Parti communiste allemand

I. Le problème de la stabilisation capitaliste

II. Le problème des batailles de classe du prolétariat

III.  Le problème du Parti communiste allemand

IV.  Les droitiers dans le P.C.A. et dans le P.C. de l'U.R.S.S

V. Projet de lettre confidentielle et ouverte

Le danger de droite dans le P.C. de l'U.R.S.S

I. Les transformations sociales et nos désaccords

II. Nos désaccords dans le domaine de l'Internationale communiste

III.  Désaccords en matière de politique intérieure

1.  De la lutte de classe

2.  L'exacerbation de la lutte de classe

3.  Sur la paysannerie

4.  Sur la nouvelle politique économique et les rapports de marchés

5.  Le rythme de développement de l'industrie et les nouvelles formes d'alliance entre la ville et la campagne

6.  Boukharine comme théoricien

7.  Plan quinquennal ou plan biennal

8.  Sur les surfaces emblavées

9.  Sur les stockages du blé

IV.  Sur la lutte contre la déviation de droite

Les fractions de droite dans le P.C. des Etats-Unis d'Amérique

Discours prononcé à la Commission américaine du Présidium du C.E. de l'I.C., le 6 mai 1929

Premier discours prononcé au Présidium du Comité exécutif de l'I.C. sur la question américaine le 14 mai 1929

Deuxième discours prononcé au Présidium du C.E. de l'I.C. le 14 mai 1929

 

 

Tome III

 

Sur le mot d’ordre de dictature du prolétariat et de la paysannerie pauvre dans la période de préparation d’Octobre (Réponse au camarade S. Pokrovski)

Le caractère international de la révolution d’Octobre (Pour le dixième anniversaire d’Octobre)

L'année du grand tournant (Pour le XIIe anniversaire de la Révolution d'Octobre)

I. Dans le domaine de la productivité du travail

II. Dans le domaine de l'édification industrielle

III. Dans le domaine de l'édification agricole

Conclusion

Questions de politique agraire en U.R.S.S. (Discours prononcé le 27 décembre 1929)

I. La théorie de l'«équilibre»

II. La théorie de la «spontanéité» dans la construction socialiste

III.  La théorie de la «stabilité» de la petite économie paysanne

IV.  La ville et la campagne

V. De la nature des kolkhoz

VI. Les changements dans les rapports de classes et le tournant opéré dans la politique du Parti

VII. Conclusions 

De la politique de liquidation des koulaks comme classe

Le vertige du succès (Questions du mouvement de collectivisation agricole)

Réponse aux camarades kolkhoziens

Les tâches des dirigeants de l’industrie (Discours prononcé le 4 février 1931)

Nouvelle situation, nouvelles tâches de l’édification économique (Discours prononcé le 23 juin 1931)

I. La main-d'oeuvre

II. Le salaire des ouvriers

III.  Organisation du travail

IV.  La question des intellectuels techniciens de la production, issus de la classe ouvrière

V. Les indices d'un tournant parmi les vieux intellectuels techniciens de la production

VI. Sur le principe du rendement commercial

VII. Travailler sur un mode nouveau, diriger d'une manière nouvelle

A propos de quelques problèmes de l’histoire du bolchévisme

Le bilan du premier plan quinquennal (Rapport présenté le 7 janvier 1933)

I. La portée internationale du plan quinquennal

II. La tâche essentielle du plan quinquennal et les moyens de l'accomplir

III.  Le bilan du plan quinquennal en quatre ans dans l'industrie

IV.  Le bilan du plan quinquennal en quatre ans dans l'agriculture

V. Le bilan du plan quinquennal en quatre ans en ce qui concerne l'amélioration de la situation matérielle des ouvriers et des paysans

VI. Le bilan du plan quinquennal en quatre ans dans le domaine des échanges entre la ville et la campagne

VII. Le bilan du plan quinquennal en quatre ans dans le domaine de la lutte contre les débris des classes ennemies

VIII. Conclusions générales

Le travail à la campagne (Discours prononcé le 11 janvier 1933)

Discours prononcé au Ier congrès des kolkhoziens-oudarniks de l’U.R.S.S. (19 février 1933)

1.  La voie des kolkhoz est la seule juste

2.  Notre tâche immédiate est de donner l'aisance à tous les kolkhoziens

3.  Quelques remarques

Rapport sur l’activité du C.C. présenté au XVIIe congrès du P.C (b) de l'U.R.S.S. (26 janvier 1934)

I. La crise continue du capitalisme mondial et la situation extérieure de l'Union soviétique

1. Le mouvement de la crise économique dans les pays capitalistes

2. Aggravation de la situation politique dans les pays capitalistes

3. Les relations entre l'U.R.S S. et les Etats capitalistes

II. L'essor continu de l'économie nationale et la situation intérieure de l'U.R.S.S.

1. L'essor de l'industrie

2. L'essor de l'agriculture

3. L'essor de la situation matérielle et de la culture des travailleurs

4. Le développement du commerce et des transports

III. Le Parti

1. Questions de direction politique et idéologique

2. Les problèmes de direction en matière d'organisation

En guise de discours de conclusion

Discours prononcé à la promotion des élèves des écoles supérieures de l’Armée Rouge (4 mai 1935)

Discours prononcé à la Ière conférence des stakhanovistes de l’U.R.S.S. (11 novembre 1935)

1.  La portée du mouvement stakhanoviste

2.  Les racines du mouvement stakhanoviste

3.  Hommes nouveaux, normes techniques nouvelles

4.  Les tâches immédiates

5.  Deux mots

Sur le projet de constitution de l’U.R.S.S. (Rapport présenté le 25 novembre 1936)

I. La Commission de la Constitution, sa formation et ses tâches

II. Les changements intervenus dans la vie de l'U.R.S.S. pendant la période 1924-1936

III.  Particularités essentielles du projet de Constitution 

IV.  La critique bourgeoise du projet de Constitution

V.  Amendements et additions au projet de Constitution 

VI.  Importance de la nouvelle Constitution de l'U.R.S.S. 

Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique (Septembre 1938)

Rapport sur l’activité du C.C. présenté au XVIIIe congrès du P.C (b) de l'U.R.S.S. (10 mars 1939)

I. La situation internationale de l'Union soviétique

1. Nouvelle crise économique dans les pays capitalistes. Aggravation de la lutte pour les débouchés, pour les sources de matières premières, pour un nouveau partage du monde

2. Aggravation de la situation politique internationale, faillite du système d'après-guerre des traités de paix, début d'une nouvelle guerre impérialiste

3. L'Union soviétique et les pays capitalistes

II. La situation intérieure de l'Union soviétique

1. Nouvel essor de l'industrie et de l'agriculture

2. Nouvelle amélioration de la situation matérielle et culturelle du peuple

3. Affermissement continu du régime soviétique

III. Le renforcement continu du Parti communiste (bolchevik) de l'U.R.S.S.

1. Mesures prises pour améliorer la composition du Parti. Division des organisations trop grandes. Rapprochement des organismes dirigeants vers le travail à la base

2. Le choix des cadres, leur promotion, leur répartition

3. La propagande du Parti. L'éducation marxiste-léniniste des membres et des cadres du Parti

4. Quelques questions de théorie

 

 

Extraits :

 

RÉSUMÉ DES TRAVAUX DE LA XIVe CONFÉRENCE DU P.C.R.

Discours prononcé le 9 mai 1925 à l'Assemblée des militants de l'organisation de Moscou

II - Tâches courantes des partis communistes dans les pays capitalistes

Ce qui caractérise en ce moment la situation des partis communistes dans les pays capitalistes, c'est que la période de poussée révolutionnaire a fait place à une période de reflux, à une période d'accalmie.

C'est cette accalmie qu'il s'agit de mettre à profit pour renforcer les partis communistes, les bolchéviser et les transformer en véritables partis de masse, appuyés sur les syndicats, pour grouper les travailleurs de certaines catégories sociales non-prolétariennes, et en premier lieu la paysannerie, autour du prolétariat, enfin, pour éduquer les prolétaires dans l'esprit de la révolution et la dictature du prolétariat.

Je n'énumérerai pas toutes les tâches courantes qui se posent aux partis communistes d'Occident. Si vous lisez les résolutions adoptées à ce sujet, notamment les résolutions adoptées par l'Exécutif élargi sur la bolchévisation, vous n'aurez pas de peine à comprendre en quoi consistent pratiquement ces problèmes. Je me bornerai à examiner la tâche essentielle des partis communistes d'Occident et à la mettre en lumière, ce qui facilitera la solution de tous les autres problèmes du moment.

Cette tâche, c'est de cimenter les partis communistes d'Occident et les syndicats, de développer et de mener à bonne fin la campagne en faveur de l'unité du mouvement syndical, d'obliger tous les communistes à adhérer aux syndicats, d'y mener un travail méthodique en faveur du front unique des ouvriers contre le capital et de créer ainsi des conditions permettant aux partis communistes de s'appuyer sur les syndicats.

Sans l'accomplissement de cette tâche, il n'est pas possible de transformer les partis communistes en véritables partis de masse, ni de préparer des conditions favorables à la victoire du prolétariat.

Les syndicats et les partis en Occident ne sont pas ce qu'ils sont chez nous. Leurs rapports ne ressemblent nullement à ceux qui existent en Russie. Chez nous, les syndicats ont fait leur apparition après le parti et autour du parti de la classe ouvrière. Chez nous, avant l'existence des syndicats, le parti et ses organisations dirigeaient déjà non seulement la lutte politique, mais la lutte économique de la classe ouvrière, jusques et y compris les grèves les moins importantes. C'est ce qui, dans une large mesure, permet de comprendre l'autorité exceptionnelle dont jouissait notre parti parmi les ouvriers avant la révolution de Février comparativement aux embryons de syndicats qui existaient alors de-ci de-là. Les véritables syndicats ne firent leur apparition en Russie qu'après février 1917. Mais, à la veille de la révolution d'Octobre, nous avions déjà des organisations professionnelles parfaitement constituées qui jouissaient parmi les ouvriers d'une très grande autorité. Lénine disait à ce moment que, sans l'appui des syndicats, il était impossible d'établir ou de maintenir la dictature du prolétariat. Mais les syndicats n'atteignirent leur plein développement qu'après la prise du pouvoir, et surtout après l'application de la Nep. Il est indubitable que, maintenant, nos puissants syndicats constituent un des plus fermes appuis de la dictature du prolétariat. Le trait le plus caractéristique de leur histoire, c'est qu'ils sont nés, qu'ils se sont développés et consolidés après le parti, autour de lui, dans une atmosphère d'amitié réciproque.

En Europe occidentale, les syndicats se sont développés dans une ambiance très différente. D'abord ils ont surgi et grandi bien avant l'apparition des partis ouvriers. Ensuite, ce ne sont pas les syndicats qui se sont développés autour des partis, mais au contraire, les partis ouvriers qui sont issus des syndicats. Enfin, étant donné que dans le domaine de la lutte économique, qui touche le plus la classe ouvrière, la place était, pour ainsi dire, déjà prise par les syndicats, les partis se virent contraints de se consacrer surtout à la lutte parlementaire, ce qui devait forcément se répercuter sur le caractère de leur travail et sur leur autorité auprès de la classe ouvrière. Et c'est parce que les partis apparurent en Occident après les syndicats et que les syndicats naquirent longtemps avant les partis pour devenir les principales forteresses du prolétariat dans sa lutte contre le capital, que les partis, en tant que forces autonomes, sans point d'appui sur les syndicats, se virent relégués à l'arrière-plan.

Il en résulte que si les partis communistes veulent devenir réellement une force massive, capable d'actionner la révolution, ils doivent étroitement se lier aux syndicats et s'appuyer sur eux.

Ne pas tenir compte de cette particularité de la situation en Occident, c'est à coup sûr nuire à la cause du mouvement communiste.

Et pourtant, il existe encore en Occident certains « communistes » qui ne veulent pas voir cette particularité et qui vont répétant leur mot d’ordre antiprolétarien et antirévolutionnaire : « Abandon des syndicats ! ». Le mouvement communiste d'Occident n'a pas d'adversaires plus nuisibles que cette espèce de « communistes » qui rêvent de se lancer à l'attaque des syndicats incarnant à leurs yeux des citadelles ennemies. Ils ne comprennent pas qu'une semblable politique doit forcément les faire considérer comme des ennemis par les ouvriers. Ils ne comprennent pas que, bons ou mauvais, les syndicats sont pour l'ouvrier du rang comme des citadelles d'où lui vient le secours pour le maintien des salaires, de la journée de travail, et ainsi de suite. Ils ne comprennent pas qu'une semblable politique ne facilite pas, mais entrave le travail de pénétration des communistes dans les couches profondes de la classe ouvrière.

« Vous attaquez ma citadelle, peut dire le simple ouvrier à de tels communistes, vous voulez détruire l'œuvre à laquelle je me suis consacré pendant des dizaines d'années en me persuadant que le communisme est un progrès sur le trade-unionisme: Il se peut que vous ayez raison dans vos spéculations théoriques sur le communisme, ce n'est pas à moi, simple ouvrier, d'en juger ; mais ce que je sais, c'est que j'ai ma forteresse dans mon syndicat, que ce syndicat m'a conduit à la lutte, qu'il m'a défendu tant bien que mal contre les agressions des capitalistes et que celui qui cherche à détruire cette forteresse nuit à mes intérêts. Cessez d'attaquer les syndicats, entrez-y, militez-y cinq années et plus s'il le faut, contribuez à les améliorer et à les renforcer, et si vous me persuadez de la supériorité de vos méthodes, soyez sûrs que je ne me refuserai pas à vous soutenir. »

Tel est à peu près l'accueil que réserve l'ouvrier moyen de nos jours aux anti-professionnalistes. Si l'on n'a pas compris ce trait particulier de la psychologie de l'ouvrier moyen, on ne comprendra rien à la situation de nos partis communistes à l'heure actuelle.

En quoi réside la force de la social-démocratie en Occident ?

En ce qu'elle a les syndicats pour point d'appui.

En quoi réside la faiblesse de nos partis communistes en Occident ?

Dans le fait qu'ils ne se sont pas encore intimement liés et que certains de leurs éléments ne veulent pas se lier aux syndicats.

C'est pourquoi la tâche essentielle des partis communistes d'Occident en ce moment est de développer et de mener à bien la campagne en faveur de l'unité syndicale, d'obliger tous les communistes à entrer dans les syndicats, d'y accomplir un travail méthodique de longue haleine en faveur du groupement de la classe ouvrière contre le capital, et d'arriver ainsi à s'appuyer sur les syndicats.

Tel est le sens de notre campagne en faveur de l'unité syndicale.

Telles la signification des décisions de l'Exécutif élargi de l'Internationale communiste au sujet des tâches courantes des partis communistes d'Occident à l'heure actuelle.

 

 

QUESTIONS ET REPONSES

Discours prononcé à l'Université Sverdlov  le 9 juin 1925

Quels sont les dangers de dégénérescence du parti que déterminera la stabilisation du capitalisme si elle se prolonge ?

Ces dangers existent-ils vraiment ?

Oui, et ils existent indépendamment de la stabilisation, qui ne fait que les rendre plus tangibles. Voici les trois principaux de ces dangers :

a)  Perte de la perspective socialiste dans l'organisation de notre pays et, par suite, apparition d'une tendance à liquider les conquêtes de la révolution ;

b)  Perte de la perspective révolutionnaire internationale et, partant, apparition du nationalisme ;

c)  Disparition de la direction du parti et, partant, possibilité de transformation du parti en appendice de l'appareil étatique.

 

 

Le danger de droite dans le P. C. de l'U.R.S.S.

Discours prononcé au Comité élargi du Parti et à la Commission de contrôle de Moscou, le 19 octobre 1928.

Dans les conditions capitalistes, la déviation de droite, dans le communisme, est une tendance qui se fait jour parmi des communistes, tendance imprécise, il est vrai, et dont les représentants ne se rendent pas encore bien compte, à abandonner la ligne révolutionnaire du marxisme pour la social-démocratie. Lorsque certains milieux communistes contestent l'utilité du mot d'ordre : « classe contre classe » dans la bataille électorale (France), ou s'affirment contre la présentation par le Parti communiste d'une liste indépendante (Angleterre), ou bien se refusent à envisager à fond la question de la lutte contre la « gauche » de la social-démocratie (Allemagne), etc., cela prouve qu'à l'intérieur des partis communistes il y a des gens qui entendent assimiler le communisme au social-démocratisme. La victoire de la déviation de droite dans les partis communistes des pays capitalistes signifierait la débâcle idéologique des partis communistes et un renforcement intense du social-démocratisme. Or, que signifie le renforcement intense du social-démocratisme ? Cela signifie renforcement et consolidation du capitalisme, la social-démocratie étant le principal rempart du capitalisme au sein de la classe ouvrière.

Ainsi, la victoire de la déviation de droite dans les partis communistes des pays capitalistes entraînerait les conditions multiples nécessaires à la conservation du capitalisme.

 

 

RAPPORT POLITIQUE DU COMITÉ CENTRAL

AU XIVe CONGRÈS DU P.C. DE L'U.R.S.S.

I. La situation internationale - VAINQUEURS ET VAINCUS

Nous en arrivons maintenant au troisième groupe de conflits, ceux qui existent entre les Etats vainqueurs et les Etats vaincus.

Les faits fondamentaux, sous ce rapport, sont les suivants :

Premièrement, l'Europe, après la paix de Versailles, s'est divisée en deux camps : celui des Etats vainqueurs (l'Entente, plus l'Amérique) et celui des Etats vaincus (Allemagne, Autriche, etc.).

Deuxièmement, il faut signaler le fait que les Etats vainqueurs, qui avaient essayé auparavant d'étrangler les pays vaincus au moyen de l'occupation (Ruhr), ont renoncé à suivre cette méthode et en ont adopté une autre : celle de l'exploitation financière, de l'Allemagne, d'abord, et de l'Autriche, ensuite. L'expression de cette nouvelle méthode est le plan Dawes, dont les conséquences commencent seulement à se faire sentir.

Troisièmement, la conférence de Locarno, qui devait, soi-disant, régler tous les conflits entre vainqueurs et vaincus, n'en a supprimé en réalité aucun et n'a fait, au contraire, que les aggraver.

Le plan Dawes porte que l'Allemagne doit payer à l'Entente 130 milliards de marks or environ, en diverses échéances. Les conséquences de ce plan se manifestent déjà par l'aggravation de la situation économique de l'Allemagne, par une série de faillites de tout un groupe d'entreprises, par l'augmentation croissante du chômage, etc.

D'après ce plan, élaboré en Amérique, l'Europe paye ses dettes d'Etat à l'Amérique aux frais de l'Allemagne, qui est obligée de payer des réparations à l'Europe; mais, comme l'Allemagne ne peut pas sortir toute la somme de ses poches vides, elle doit recevoir une série de marchés disponibles qui ne sont pas encore occupés par les autres pays impérialistes. Sur la base de ces marchés, l'Allemagne pourrait se créer de nouvelles forces et un sang nouveau pour lui permettre d'effectuer le paiement des réparations.

L'Amérique pense surtout au marché russe. Selon le plan Dawes, celui-ci doit être laissé à l'Allemagne pour qu'elle puisse en tirer quelque profit et payer les comptes de réparations à l'Europe qui, à son tour, devra régler ses dettes à l'Amérique. Ce plan est très bien agencé, mais il est fondé sur le sable mouvant.

En effet, il signifie pour le peuple allemand une double pression : pression de la bourgeoisie allemande sur le prolétariat et pression du capital étranger sur l'ensemble du peuple allemand. On ne peut prétendre, en aucun cas, que cette double pression passera sur le peuple allemand sans laisser de traces. C'est pourquoi, je crois que, sous ce rapport, le plan Dawes renferme en lui-même le germe d'une révolution inévitable en Allemagne. Il a été créé pour l'exploitation de l'Allemagne, mais il conduira inévitablement l'Allemagne à la révolution.

En ce qui concerne la deuxième partie de ce plan, selon laquelle l'Allemagne doit tirer du marché russe les sommes destinées à l'Europe, on a compté sans le principal intéressé. En aucun cas, nous ne nous laisserons transformer en un pays exclusivement agraire. Nous construirons nous-mêmes des machines et d'autres moyens de production. Sous ce rapport, le plan Dawes est un édifice sans fondements solides.

En ce qui concerne le pacte de Locarno, ce n'est qu'une suite du traité de Versailles. Il a et ne peut avoir pour but que le maintien du statu quo, comme on dit en langage diplomatique, c'est-à-dire le maintien de l'ordre de choses existant, suivant lequel l'Allemagne est un pays vaincu, et les pays de l'Entente des pays vainqueurs. Par la conférence de Locarno, cet ordre a été confirmé juridiquement en ce sens que les nouvelles frontières de l'Allemagne sont maintenues en faveur de la Pologne et en faveur de la France, que l'Allemagne perd ses colonies et qu'en outre elle doit prendre toutes les mesures nécessaires pour pouvoir payer 130 milliards de marks or. Peut-on penser que l'Allemagne, dont la puissance se développe constamment, accepte jamais cela ? Si, au cours de la période qui suivit la guerre franco-allemande, la question de l'Alsace-Lorraine constituait le nœud gordien de tous les conflits diplomatiques et fut une des causes de la guerre impérialiste, quelle garantie avons-nous que la paix de Versailles et sa conséquence, le pacte de Locarno, soient durables, après la perte de la Haute-Silésie et du corridor de Dantzig par l'Allemagne, après la perte de la Galicie et de la Volhynie par l'Ukraine, après la perte de sa partie occidentale par la Russie-Blanche, après la perte de Vilna par la Lithuanie ? Qui nous garantit que ce traité, qui a morcelé toute une série d'Etats et créé toute une série de conflits, n'aura pas le sort de l'ancien traité franco-allemand, qui enleva l'Alsace-Lorraine à la France après la guerre franco-allemande ? De telles garanties n'existent pas et ne peuvent pas exister. Si le plan Dawes renferme le germe d'une révolution allemande, le pacte de Locarno porte en lui le germe d'une nouvelle guerre européenne.

Les conservateurs anglais espèrent maintenir, d'une part, le statu quo vis-à-vis de l'Allemagne, et, d'autre part, utiliser l'Allemagne contre l'Union Soviétique. C'est un peu trop demander.

On parle de pacifisme, on parle de paix entre les Etats européens. Briand et Chamberlain s'embrassent, Stresemann se confond en compliments devant l'Angleterre. C'est une véritable comédie. Nous savons par l'histoire de l'Europe que toutes les fois que des traités ont été conclus pour grouper les forces en vue d'une nouvelle guerre, ces traités ont toujours été présentés comme des actes de paix. Des traités ont été conclus, qui renfermaient en eux le germe d'une foule de guerres futures, et toujours la conclusion de ces traités fut accompagnée d'une véritable comédie pacifiste. Dans de tels cas, on a toujours trouvé des bardes de la paix.

Rappelons-nous ce qui se passa au lendemain de la guerre franco-allemande. Ce fut, à cette époque, Bismarck qui s'efforça, par tous les moyens possibles, de maintenir le statu quo, c'est-à-dire l'ordre de choses créé au lendemain de la guerre franco-allemande. Il défendit alors la paix, parce que cette paix lui garantissait toute une série de privilèges aux dépens de la France. Celle-ci aussi défendit la paix, tout au moins au début, alors qu'elle ne s'était pas encore complètement rétablie de sa défaite. Eh bien ! à ce moment, où chacun parlait de paix et où les faux bardes chantaient les intentions pacifiques de Bismarck, l'Allemagne et l'Autriche concluaient un traité, traité tout amical et tout pacifique, qui pourtant est devenu plus tard une des causes de la future guerre impérialiste. Je veux parler du traité conclu entre l'Autriche et l'Allemagne en 1879. Contre qui était dirigé ce traité? Contre la Russie et la France. Que contenait-il ? Ecoutez : « Dans la mesure où la collaboration étroite de l'Allemagne et de l'Autriche ne menace personne et tend à la consolidation de la paix en Europe sur les bases établies par le traité de Berlin, Leurs Majestés... décident de conclure une alliance pacifique et un accord réciproque. » Vous entendez : « collaboration étroite de l'Allemagne et de l'Autriche pour la paix de l'Europe. » Cet accord fut qualifié d'« alliance pacifique », et cependant tous les historiens sont unanimes à reconnaître qu'il fut la préparation directe de la future guerre impérialiste de 1914.

La conséquence de cet accord, conclu théoriquement pour maintenir la paix européenne, mais en réalité pour préparer la guerre européenne, fut la conclusion d'un autre accord, l'accord entre la France et la Russie, de 1913, également « pour la paix ». Or, qu'y avait-il dans cet accord ? « La France et la Russie, animées du désir de garantir la paix, ont conclu l'accord suivant ». A quel accord sont-elles arrivées, on ne le dit pas alors ouvertement. Dans le texte secret du traité, on pouvait cependant lire « qu'en cas de guerre, la Russie s'engageait à mobiliser 700.000 soldats contre l'Allemagne, et la France — si je ne me trompe — 1.300.000.

Ces deux accords furent désignés officiellement comme des accords de paix, d'amitié, comme des accords destinés à maintenir la tranquillité dans toute l'Europe.

La conséquence de tout cela fut que, six ans plus tard, en 1899, la Conférence de la Paix, réunie à La Haye, se déroula sur la question de la limitation des armements. Cette conférence se réunit précisément au moment où, sur la base de l'alliance entre la France et la Russie, des officiers de l'état-major français se rendaient en Russie pour élaborer les plans de concentration des troupes en cas de guerre, où des officiers de l'état-major russe se rendaient en France pour dresser, de concert avec les généraux français, les plans des futures opérations de guerre contre l'Allemagne, et où les états-majors d'Allemagne et d'Autriche établissaient les conditions dans lesquelles ils devaient attaquer réciproquement leurs voisins de l'Est et de l'Ouest.

C'est l'image de l'hypocrisie éhontée de la diplomatie bourgeoise : sous le couvert de déclarations pacifistes et d'hymnes à la paix, on se prépare à une nouvelle guerre. Avons-nous, après tout cela, des raisons d'ajouter foi aux cantiques de paix sur la S. D. N. et Locarno ?

 

 

LE BILAN DU PREMIER PLAN QUINQUENNAL

 

RAPPORT PRÉSENTÉ A L'ASSEMBLÉE PLÉNIÉRE COMMUNE DU COMITÉ CENTRAL ET DE LA COMMISSION CENTRALE DE CONTROLE DU PARTI COMMUNISTE (BOLCHEVIK) DE L'U.R.S.S. LE 7 JANVIER 1933

 

I - LA PORTEE INTERNATIONALE DU PLAN QUINQUENNAL

 

Camarades, lorsque le plan quinquennal fit son apparition, les gens ne supposaient guère qu'il pût avoir une portée internationale considérable. Au contraire, nombreux étaient ceux qui croyaient que le plan quinquennal était une affaire privée de l'Union soviétique, une affaire importante et sérieuse, mais néanmoins une affaire privée, une affaire nationale, de l'Union soviétique.

 

L'histoire a montré, cependant, que la portée internationale du plan quinquennal était immense. L'histoire a montré que le plan quinquennal n'était pas une affaire privée de l'Union soviétique, mais l'affaire du prolétariat international tout entier.

 

Déjà bien avant l'apparition du plan quinquennal, à l'époque où nous achevions la lutte contre les interventionnistes et où nous nous engagions dans la voie de l'édification économique, déjà à cette époque Lénine disait que notre édification économique avait une immense portée internationale; que chaque pas en avant accompli par le pouvoir des Soviets sur le chemin de l'édification économique trouvait un écho profond dans les couches les plus diverses des pays capitalistes, et scindait les hommes en deux camps : celui des partisans de la révolution prolétarienne et celui de ses adversaires.

 

Lénine disait alors :

 

Actuellement, c'est par notre politique économique que nous exerçons notre principale action sur la révolution internationale. Tous regardent la République des Soviets de Russie, tous les travailleurs, dans tous les pays du monde, sans aucune exception et sans aucune exagération. C'est là un point acquis. Sur ce terrain, la lutte se développe à l'échelle mondiale. Si nous résolvons ce problème, nous aurons partie gagnée à l'échelle internationale, à coup sûr et définitivement. Aussi les problèmes de l'édification économique acquièrent-ils pour nous une importance tout à fait exceptionnelle. Sur ce front nous devons remporter la victoire par une progression lente, graduelle, — une progression rapide est impossible, — mais continue et ascendante, (t. XXVI, pp. 410-411, éd. russe.)

 

Cela fut dit à l'époque où nous terminions la guerre contre les interventionnistes, où nous passions de la lutte armée contre le capitalisme à la lutte sur le front économique, à la période de construction économique.

 

Bien des années se sont écoulées depuis et chaque pas fait par le pouvoir des Soviets dans le domaine de la construction économique, chaque année, chaque trimestre ont brillamment confirmé la justesse de ces paroles du camarade Lénine.

 

Mais la confirmation la plus brillante de la justesse des paroles de Lénine a été fournie par le plan quinquennal de notre oeuvre de construction, par l'apparition de ce plan, son développement, sa réalisation. Il semble bien, en effet, qu'aucune mesure touchant la construction économique de notre pays, n'ait trouvé dans les couches les plus diverses des pays capitalistes d'Europe, d'Amérique et d'Asie, une répercussion analogue à celle du plan quinquennal, de son développement, de sa réalisation.

 

Dans les premiers temps, la bourgeoisie et sa presse avaient accueilli le plan quinquennal par la raillerie. «Fantaisie», «délire», «utopie», c'est ainsi qu'elles baptisèrent alors notre plan quinquennal. Puis, lorsqu'il apparut que l'application de ce plan donnait des résultats réels, elles sonnèrent le tocsin en prétendant que le plan quinquennal menaçait l'existence des pays capitalistes, que sa réalisation aboutirait à inonder les marchés européens de marchandises, à renforcer le dumping et à aggraver le chômage. Ensuite, ce stratagème utilisé contre le pouvoir des Soviets n'ayant pas donné lui non plus les résultats qu'on en attendait, on vit s'ouvrir une série de voyages en U.R.S.S. de différents représentants de toutes sortes de firmes, d'organes de presse, de sociétés de tous genres, etc., venus pour voir de leurs propres yeux ce qui, à proprement parler, se passait en U.R.S.S. Je ne parle pas ici des délégations ouvrières qui, dès l'apparition du plan quinquennal, exprimèrent leur admiration pour les initiatives et les succès du pouvoir des Soviets, et manifestèrent leur empressement à soutenir la classe ouvrière de l'U.R.S.S.

 

Dès lors, la division commença dans ce qu'on appelle l'opinion publique, dans la presse bourgeoise, dans les sociétés bourgeoises de tous genres, etc. Les uns affirmaient que le plan quinquennal avait fait complètement faillite et que les bolcheviks étaient tout près de leur perte. Les autres, au contraire, assuraient que les bolcheviks avaient beau être de mauvaises gens, le plan quinquennal leur réussissait néanmoins, et qu'ils arriveraient probablement à leurs fins.

 

Il ne sera peut-être pas superflu de citer quelques appréciations empruntées à divers organes de la presse bourgeoise.

 

Prenons, par exemple, le journal américain New-York Times. Fin novembre 1932, il écrivait :

 

Le plan quinquennal de l'industrie, qui s'était assigné pour but de lancer un défi au sentiment des proportions et qui poursuivait son but «sans regarder à la dépense», comme Moscou s'en est vantée souvent, avec fierté, n'est pas un plan en réalité. C'est une spéculation.

 

Il s'ensuit que le plan quinquennal n'est même pas un plan, mais une vaine spéculation. Et voici l'appréciation émise par le journal bourgeois anglais The Daily Telegraph, fin novembre 1932 :

 

Si l'on considère le plan comme une pierre de touche de l'«économie planifiée», nous devons dire qu'il a fait complètement faillite.

 

Appréciation donnée par le New-York Times, en novembre 1932 :

 

La collectivisation a honteusement échoué. Elle a amené la Russie au bord de la famine.

 

Appréciation donnée pendant l'été de 1932 par la Gazeta Polska, journal bourgeois polonais :

 

La situation semble montrer que le gouvernement des Soviets, avec sa politique de collectivisation des campagnes, s'est engagé dans une impasse.

 

Appréciation donnée par le Financial Times, journal bourgeois anglais, en novembre 1932 :

 

En conséquence de leur politique, Staline et son parti se trouvent placés devant l'effondrement du système préconisé par le plan quinquennal, et devant l'échec de toutes les tâches qu'il était appelé à réaliser.

 

Appréciation de la revue italienne Politica :

 

Il serait absurde de croire que quatre années de travail fourni par un peuple comptant 160 millions d'habitants, quatre années d'effort économique et politique surhumain de la part d'un régime aussi fort que l'est le régime bolchevik, n'aient rien créé. Au contraire, ils ont beaucoup créé... Et néanmoins, la catastrophe est là, c'est un fait évident pour tout le monde. Amis et ennemis, bolcheviks et antibolchéviks, oppositionnels de droite et de gauche, tous s'en sont convaincus.

 

Enfin l'appréciation donnée par la revue bourgeoise américaine Curent History :

 

Ainsi l'examen de l'état actuel des choses, en Russie, conduit à la conclusion que le programme de cinq ans s'est effondré en ce qui concerne les buts annoncés, et encore davantage en ce qui concerne ses principes sociaux essentiels.

 

Telles sont les appréciations d'une partie de la presse bourgeoise.

 

Il ne vaut guère la peine de critiquer les auteurs de ces jugements. Je pense que cela n'en vaut pas la peine. Cela n'en vaut pas la peine parce que ces «die-hards» appartiennent à la race des fossiles moyenâgeux, pour qui les faits n'ont pas d'importance et qui, quelle que soit la façon dont se réalise notre plan quinquennal, continueront quand même à ressasser leur antienne.

 

Passons aux appréciations d'autres organes de presse, émanant du même camp bourgeois.

 

Voici l'appréciation donnée en janvier 1932 par le journal bourgeois français bien connu, le Temps :

 

L'Union soviétique a gagné la première manche en s'industrialisant, sans apport de capital étranger.

 

Appréciation du même Temps, donnée en été 1932 :

 

... le communisme aura franchi d'un bond l'étape constructive qu'en régime capitaliste il faut parcourir à pas lents... Ce qui nous gêne, en France particulièrement, où la propriété s'est divisée à l'infini, c'est l'impossibilité où nous sommes de mécaniser l'agriculture... En industrialisant leur agriculture, les Soviets résolvent le problème... Pratiquement, les bolchévistes ont gagné la partie contre nous.

 

Appréciation de la revue bourgeoise anglaise Round Table :

 

Les réalisations du plan quinquennal sont un phénomène surprenant. Les usines de tracteurs de Kharkov et de Stalingrad, l'usine d'automobiles Amo à Moscou, l'usine d'automobiles de Nijni-Novgorod, la centrale hydroélectrique du Dniepr, les aciéries grandioses de Magnitogorsk et de Kouznetsk, tout un réseau d'usines de constructions mécaniques et de produits chimiques dans l'Oural, lequel devient une Ruhr soviétique, toutes ces réalisations industrielles et tant d'autres dans le pays entier témoignent que, quelles que soient les difficultés, l'industrie soviétique, telle une plante bien arrosée, croît et se fortifie... Le plan quinquennal a jeté les bases du développement futur et a considérablement renforcé la puissance de l'U.R.S.S.

 

Appréciation du journal bourgeois anglais Financial Times :

 

Les succès obtenus dans l'industrie des constructions mécaniques ne peuvent faire aucun doute. L'exaltation de ces succès dans la presse et dans les discours n'est nullement dépourvue de fondement. Il ne faut pas oublier qu'autrefois la Russie ne produisait que les machines et les outils les plus simples. Il est vrai que maintenant encore les chiffres absolus de l'importation des machines et instruments sont en progression; mais la proportion des machines importées, en comparaison de celles fabriquées en U.R.S.S., est en baisse constante. L'U.R.S.S. fabrique actuellement tout l'outillage nécessaire à son industrie métallurgique et électrique. Elle a su créer sa propre industrie automobile. Elle a créé la production des outils et instruments dans toute leur gamme, depuis les plus petits instruments de haute précision jusqu'aux presses les plus lourdes. En ce qui concerne les machines agricoles, l'U.R.S.S. ne dépend plus des importations de l'étranger. D'autre part, le gouvernement soviétique prend des mesures pour que les retards dans la production du charbon et du fer n'empêchent pas la réalisation du plan quinquennal en quatre ans. Il est hors de doute que les immenses usines nouvellement construites garantissent un accroissement considérable de la production de l'industrie lourde.

 

Appréciation donnée au début de 1932 par le journal bourgeois autrichien Neue Freie Presse :

 

On peut maudire le bolchévisme, mais il faut le connaître. Le plan quinquennal est un nouveau colosse, dont il importe de tenir compte, pour le moins au point de vue économique.

 

Appréciation donnée en octobre 1932 par le capitaliste anglais Gibson Jarvie, président de la Banque United Dominion :

 

Je tiens à déclarer que je ne suis ni communiste, ni bolchevik, je suis sans nul doute un capitaliste et un individualiste... La Russie progresse au moment où beaucoup trop de nos usines sont inactives et où près de trois millions d'individus de notre pays cherchent désespérément du travail. On a raillé le plan quinquennal et on en a prédit la faillite. Mais soyez certains qu'on a fait plus que le plan quinquennal s'était proposé de faire... Dans toutes les villes industrielles que j'ai visitées, j'ai vu bâtir, d'après un plan déterminé, de nouveaux quartiers avec de larges rues plantées d'arbres et dotées de squares, avec des maisons du type le plus moderne, avec des écoles, des hôpitaux, des clubs ouvriers et les inévitables pouponnières et jardins d'enfants, où l'on prend soin des bébés des mères-ouvrières... N'essayez pas de sous-estimer les Russes et leurs plans, et ne commettez pas la faute d'espérer que le gouvernement soviétique puisse s'effondrer... La Russie d'aujourd'hui est un pays doué d'une âme et d'un idéal. La Russie est un pays d'une activité étonnante. J'ai la conviction que les aspirations de la Russie sont saines... Le plus important, c'est peut-être que toute la jeunesse et les ouvriers de la Russie ont une chose qui, malheureusement, fait aujourd'hui défaut dans les pays capitalistes, à savoir l'espérance.

 

Appréciation donnée en novembre 1932 par la revue bourgeoise américaine The Nation :

 

Les quatre années du plan quinquennal ont apporté de» réalisations vraiment remarquables. L'Union soviétique s'est consacrée avec une activité intense, propre au temps de guerre, à l'édification des bases d'une vie nouvelle. La physionomie du pays change littéralement au point qu'il devient impossible de la reconnaître... Cela est vrai pour Moscou, avec ses centaines de squares et rues nouvellement asphaltées, avec ses nouveaux édifices, avec ses nouveaux faubourgs et sa ceinture de nouvelles fabriques suburbaines. Cela est également vrai pour les villes de moindre importance. De nouvelles cités ont surgi dans les steppes et dans les déserts, non pas quelques villes isolées, mais au moins cinquante villes avec une population de cinquante à deux cent cinquante mille habitants. Elles ont toutes surgi, dans les quatre dernières années, autour des nouvelles entreprises construites pour la mise en valeur des ressources naturelles de la région. Des centaines de nouvelles centrales électriques régionales et toute une série d'entreprises géantes comme le Dniéprostroï, font peu à peu une réalité de la formule de Lénine : «Le socialisme, c'est le pouvoir des Soviets plus l'électrification»... L'Union soviétique a organisé la production en masse d'un nombre infini d'articles que la Russie n'avait jamais fabriqués autrefois : tracteurs, moissonneuses-batteuses, aciers extra-fins, caoutchouc synthétique, roulements à billes, puissants moteurs Diesel, turbines de cinquante mille kws, appareillage téléphonique, machines électriques pour l'industrie minière, aéroplanes, automobiles, bicyclettes, sans compter des centaines de types de machines nouvelles. Pour la première fois dans l'histoire, la Russie extrait l'aluminium, la magnésite, les apatites, l'iode, la potasse et de nombreux autres produits de valeur. Ce ne sont plus les croix et les coupoles des églises qui servent de point de repère dans les plaines soviétiques, mais les élévateurs de grains et les tours-silos. Les kolkhoz construisent des maisons, des étables, des porcheries. L'électricité pénètre à la campagne, la radio et les journaux l'ont conquise. Les ouvriers apprennent à travailler sur les machines les plus modernes. Les jeunes paysans construisent et manient des machines agricoles plus grandes et plus complexes que celles que l'Amérique a jamais vues. La Russie commence à «penser machines». La Russie passe rapidement du siècle du bois au siècle du fer, de l'acier, du béton et des moteurs.

 

Appréciation donnée en septembre 1932 par la revue réformiste de «gauche» anglaise Forward :

 

L'immense travail qui s'accomplit en U.R.S.S. saute aux yeux. Nouvelles usines, nouvelles écoles, nouveaux cinémas, nouveaux clubs, nouveaux immeubles géants — partout des constructions nouvelles. Beaucoup sont déjà, terminées, d'autres sont encore revêtues d'échafaudages. Il est difficile de raconter au lecteur anglais ce qui a été fait depuis deux ans et ce qui est en train de se faire. Il faut voir tout cela pour le croire. Les réalisations que nous avons nous-mêmes enregistrées du temps de la guerre ne sont que bagatelle en comparaison de ce qui se fait en U.R.S.S. Les Américains reconnaissent que même la période de fièvre de construction la plus intense dans les Etats de l'Ouest, n'offrait rien de comparable à la fiévreuse activité créatrice de l'U.R.S.S., aujourd'hui. Pendant les deux dernières années, l'U.R.S.S. a été le théâtre de tant de changements qu'on renonce à imaginer ce que ce pays sera dans dix ans... Otez-vous de la tête les histoires fantastiques et terrifiantes rapportées par les journaux anglais, qui mettent tant de ténacité et de sottise à calomnier l'U.R.S.S. Otez-vous encore de la tête ces impressions et demi-vérités fondées sur l'incompréhension, qui sont répandues par des intellectuels dilettantes, lesquels considèrent l'U.R.S.S. d'un oeil protecteur, à travers les lunettes de l'homme de la rue, mais qui n'ont pas la moindre idée de ce qui se passe là-bas... L'U.R.S.S. construit une nouvelle société sur de saines assises. Pour atteindre ce but, il faut s'exposer au risque, il faut travailler avec enthousiasme, avec une énergie sans précédent ; il faut lutter contre des difficultés énormes, inévitables lorsqu'on veut construire le socialisme dans un vaste pays isolé du reste du monde. Or, après avoir visité de nouveau ce pays au bout de deux ans, j'ai l'impression qu'il s'est engagé dans la voie d'un progrès solide, qu'il planifie, qu'il crée et construit, tout cela sur une échelle qui est un défi éclatant lancé au monde capitaliste hostile.

 

Telles sont les divergences d'opinion et la division dans le camp des milieux bourgeois : les uns sont pour réduire à néant l'U.R.S.S. avec son plan quinquennal qu'ils prétendent en faillite, les autres sont visiblement pour une collaboration commerciale avec l'U.R.S.S., dans l'espoir évident de tirer quelque profit des succès du plan quinquennal.

 

Il convient d'envisager à part l'attitude de la classe ouvrière des pays capitalistes à l'égard du plan quinquennal, à l'égard des succès de l'édification socialiste en U.R.S.S. On pourrait se borner, ici, à reproduire l'appréciation de l'une des nombreuses délégations ouvrières qui visitent l'U.R.S.S. chaque année, ne serait-ce que celle de la délégation ouvrière belge. Ce témoignage est typique pour toutes les délégations ouvrières sans exception, qu'il s'agisse des délégations anglaises ou françaises, des délégations allemandes ou américaines ou des délégations d'autres pays. Voici ce témoignage :

 

Nous sommes frappés d'admiration devant l'édification grandiose que nous avons constatée au cours de notre voyage. A Moscou, comme à Makéevka, à Gorlovka, à Kharkov et à Leningrad, nous avons pu nous rendre compte de l'enthousiasme avec lequel on y travaille. Les machines sont toutes du dernier modèle. Dans les usines règne la propreté, il y a beaucoup d'air et de lumière. Nous avons vu comment en U.R.S.S. les ouvriers étaient entourés de soins médicaux et sanitaires. Les maisons ouvrières sont bâties à proximité des usines. Les cités ouvrières sont pourvues d'écoles et de pouponnières ; les enfants y jouissent des soins les plus attentifs. Nous avons pu voir la différence entre les anciennes usines et celles nouvellement construites, entre les anciennes et les nouvelles habitations. Tout ce que nous avons vu nous a donné une idée nette de la force colossale des travailleurs qui édifient la nouvelle société sous la direction du Parti communiste. Nous avons observé en U.R.S.S. un essor culturel gigantesque, alors que dans les autres pays, c'est la dépression dans tous les domaines et le chômage. Nous avons pu nous rendre compte des difficultés exceptionnelles que les travailleurs soviétiques rencontrent sur leur chemin. Nous comprenons d'autant mieux l'orgueil avec lequel ils nous montrent les succès obtenus. Nous sommes persuadés qu'ils surmonteront tous les obstacles.

 

Voilà donc la portée internationale du plan quinquennal. Il nous a suffi de faire un travail d'édification pendant quelque deux ou trois ans ; il a suffi de montrer les premiers succès du plan quinquennal, pour que le monde tout entier se scinde en deux camps, le camp de ceux qui aboient après nous sans se lasser, et le camp de ceux qui sont frappés des réalisations du plan quinquennal, sans parler de notre propre camp, qui existe et se fortifie dans le monde entier, le camp de la classe ouvrière des pays capitalistes, qui se réjouit des succès de la classe ouvrière de l'U.R.S.S. et est prêt à lui donner son soutien, au grand effroi de la bourgeoisie mondiale.

 

Qu'est-ce à dire ?

 

Cela veut dire que la portée internationale du plan quinquennal, la portée internationale de ses succès et de ses conquêtes, ne peut être mise en doute.

 

Cela veut dire que les pays capitalistes portent en eux la révolution prolétarienne et que, précisément pour cela, la bourgeoisie voudrait puiser dans des échecs du plan quinquennal un nouvel argument contre la révolution, tandis que le prolétariat, au contraire, s'efforce de puiser et puise réellement dans les succès du plan quinquennal un nouvel argument en faveur de la révolution, contre la bourgeoisie du monde entier.

 

Les succès du plan quinquennal mobilisent les forces révolutionnaires de la classe ouvrière de tous les pays contre le capitalisme, c'est là un fait incontestable.

 

Il est hors de doute que la portée révolutionnaire internationale du plan quinquennal, est réellement immense.

 

 

RAPPORT PRESENTE AU XVIIIe CONGRES DU PARTI SUR L'ACTIVITE DU COMITE CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE (BOLCHEVIK) DE L'U.R.S.S. LE 10 MARS 1939

I - LA SITUATION INTERNATIONALE DE L'UNION SOVIETIQUE

Camarades, cinq années se sont écoulées depuis le XVIIe congrès du Parti. Période assez longue, comme vous le voyez. Pendant ce temps d'importants changements se sont produits dans le monde. Les Etats et les pays, leurs rapports entre eux sont devenus tout autres sur bien des points. Quels sont précisément les changements survenus pendant cette période dans la situation internationale ? Qu'est-ce donc qui a changé dans la situation extérieure et intérieure de notre pays ?

Pour les pays capitalistes, cette période a été une période de graves perturbations, tant dans le domaine économique, que politique. Dans le domaine économique, ces années ont été des années de dépression ; puis, à partir de la seconde moitié de 1937, des années d'une nouvelle crise économique, d'un nouveau déclin de l'industrie aux Etats-Unis, en Angleterre, en France, par conséquent, des années de nouvelles complications économiques. Dans le domaine politique, ces années ont été marquées par de sérieux conflits et perturbations politiques. Voilà plus d'un an que la nouvelle guerre impérialiste est déchaînée sur un territoire immense qui va de Shanghaï à Gibraltar, englobant plus de 500 millions d'hommes. La carte de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie est remaniée par des moyens violents. Tout le système du régime d'après-guerre, dit régime de paix, a été ébranlé jusque dans ses fondements.

Pour l'Union soviétique, au contraire, ce furent des années de croissance et de prospérité, des années d'un nouvel essor économique et culturel, des années d'un nouvel accroissement de sa puissance politique et militaire, des années de lutte pour le maintien de la paix dans le monde entier. Tel est le tableau d'ensemble.

Examinons les données concrètes relatives aux changements survenus dans la situation internationale.

1. Nouvelle crise économique dans les pays capitalistes. Aggravation de la lutte pour les débouchés, pour les sources de matières premières, pour un nouveau partage du monde.

La crise économique, qui a commencé dans les pays capitalistes pendant la seconde moitié de 1929, a duré jusqu'à la fin de 1933. Puis cette crise a évolué en dépression, après quoi une certaine animation, un certain essor a commencé dans l'industrie. Mais cette animation industrielle ne s'est pas transformée en prospérité comme cela arrive ordinairement en période de reprise. Au contraire, à partir de la seconde moitié de 1937, une nouvelle crise économique a commencé, qui gagna d'abord les Etats-Unis, puis l'Angleterre, la France et nombre d'autres pays.

Ainsi, avant même de s'être remis des atteintes de la récente crise économique, les pays capitalistes se sont trouvés devant une nouvelle crise économique.

Cette circonstance a naturellement entraîné un accroissement du chômage. Le nombre des sans-travail qui avait diminué dans les pays capitalistes, de 30 millions en 1933 à 14 millions en 1937, est remonté, par suite de la nouvelle crise, à 18 millions.

La nouvelle crise a ceci de particulier qu'elle diffère à beaucoup d'égards de la crise précédente, et cela non pas dans le bon, mais dans le mauvais sens.

Premièrement, la nouvelle crise a commencé non pas après une période de prospérité industrielle, comme ce fut le cas en 1929, mais après une dépression suivie d'une certaine reprise qui ne s'était cependant pas transformés en prospérité. Cela signifie que la crise actuelle sera plus pénible, et qu'il sera plus difficile de la combattra que la crise précédente.

Ensuite, la crise actuelle n'a pas éclaté en temps de paix, mais dans une période où la deuxième guerre impérialiste a déjà commencé ; où le Japon, qui en est à sa deuxième année de guerre avec la Chine, désorganise l'immense marché chinois et le rend presque inaccessible aux marchandises des autres pays; où l'Italie et l'Allemagne ont déjà engagé leur économie nationale dans la voie de l'économie de guerre, engloutissant à cet effet leurs réserves de matières premières et de devises-or ; où toutes les autres grandes puissances capitalistes commencent à se réorganiser sur le pied de guerre. Cela signifie que pour sortir normalement de la crise actuelle, le capitalisme aura beaucoup moins de ressources que pendant la crise précédente.

Enfin, à la différence de la crise précédente, la crise actuelle n'est pas une crise générale; pour l'instant elle frappe surtout les pays forts au point de vue économique et qui ne se sont pas encore engagés dans la voie de l'économie de guerre. En ce qui concerne les pays agresseurs tels que le Japon, l'Allemagne et l'Italie, dont l'économie se trouve déjà sur le pied de guerre, ces pays, du fait même qu'ils intensifient leur industrie de guerre, ne connaissent pas encore la crise de surproduction dont ils approchent cependant. Cela signifie que, au moment où les pays économiquement forts et non agresseurs commenceront à se tirer de la crise, les pays agresseurs ayant épuisé dans leur fièvre guerrière leurs réserves d'or et de matières premières, entreront dans une période de crise atroce.

(...)

Voici quelques chiffres illustrant l'état de crise de l'industrie dans les pays capitalistes pendant les cinq dernières années, ainsi que l'essor de l'industrie en U.R.S.S.

VOLUME DE LA PRODUCTION INDUSTRIELLE EN POURCENTAGES PAR RAPPORT A 1929

(1929 = 100)

 

1934

1935

1936

1937

1938

Etats-Unis

66.4

75.6

88.1

92.2

72.0

Angleterre

98.8

105.8

115.9

123.7

112.0

France

71.0

67.4

79.3

82.8

70.0

Italie

80.0

93.8

87.5

99.6

96.0

Allemagne

79.8

94.0

106.3

117.2

125.0

Japon

128.7

141.8

151.1

170.8

165.0

U.R.S.S.

238.3

293.4

382.3

424.0

477.0

Ce tableau montre que l'Union soviétique est le seul pays au monde qui ignore les crises et dont l'industrie progresse constamment.

Ce tableau montre ensuite qu'aux Etats-Unis, en Angleterre et en France, a déjà commencé et se développe une grave crise économique.

Ce tableau montre ensuite qu'une période de régression industrielle a commencé dès 1938 en Italie et au Japon, lesquels avaient plus tôt que l'Allemagne engagé leur économie nationale dans la voie de l'économie de guerre.

Ce tableau montra enfin qu'en Allemagne, pays qui a réorganisé son économie sur le pied de guerre après l'Italie et le Japon, l'industrie marque encore pour le moment un progrès, peu sensible il est vrai, mais tout de même un progrès, — comme on l'a vu jusqu'à ces derniers temps au Japon et en Italie.

Sans aucun doute, à moins qu'il ne survienne quelque chose d'imprévu, l'industrie de l'Allemagne s'engagera dans la voie de la régression que suivent déjà le Japon et l'Italie. En effet, que signifie engager l'économie nationale dans la voie de l'économie de guerre ? C'est orienter l'industrie dans un sens unique, vers la guerre ; c'est élargir par tous les moyens la production des objets nécessaires à la guerre, production qui n'est pas liée à la consommation nationale, c'est rétrécir à l'extrême la production et surtout le ravitaillement du marché en objets de consommation ; c'est, par conséquent, restreindre la consommation de la population et placer le pays en face d'une crise économique.

Tel est le tableau concret du mouvement de la nouvelle crise économique dans les pays capitalistes.

On conçoit que le tour défavorable pris par les affaires économiques ne pouvait manquer d'entraîner une aggravation des rapports entre les puissances. Déjà la crise précédente avait brouillé toutes les cartes et amené une aggravation de la lutte pour les débouchés, pour les sources de matières premières. La conquête de la Mandchourie et de la Chine du Nord par le Japon, la conquête de l'Ethiopie par l'Italie, autant de faits illustrant l'acuité de la lutte entre les puissances. La nouvelle crise économique devait conduire et conduit effectivement à une nouvelle aggravation de la lutte entre impérialistes. Cette fois il ne s'agit plus ni de la concurrence sur les marchés, ni de la guerre commerciale, ni du dumping, Ces moyens de lutte sont depuis longtemps reconnus insuffisants. Il s'agit maintenant de repartager le monde, les zones d'influence, les colonies, au moyen de la guerre.

Pour justifier ses actes d'agression, le Japon prétendait que, lors de la signature du traité des neuf puissances, on l'avait lésé, on ne lui avait pas permis d'élargir son territoire aux dépens de la Chine, alors que l'Angleterre et la France possèdent d'immenses colonies. L'Italie s'est rappelée qu'on l'avait lésée lors du partage du butin après la première guerre impérialiste, et qu'elle devait chercher une compensation aux dépens des zones d'influence de l'Angleterre et de la France. L'Allemagne, gravement éprouvée par la première guerre impérialiste et le traité de Versailles, s'est jointe au Japon et à l'Italie et a exigé l'extension de son territoire en Europe, la restitution des colonies que lui avaient enlevées les vainqueurs lors de la première guerre impérialiste.

C'est ainsi que s'est formé le bloc des trois Etats agresseurs.

La question d'un nouveau partage du monde au moyen de la guerre s'est inscrite à l'ordre du jour.

2. Aggravation de la situation politique internationale, faillite du système d'après-guerre des traités de paix, début d'une nouvelle guerre impérialiste.

Et voici les événements les plus importants de la période envisagée, qui ont marqué le début de la nouvelle guerre impérialiste. En 1935, l'Italie a attaqué l'Ethiopie et s'en est emparés. Pendant l'été de 1936, l'Allemagne et l'Italie ont entrepris en Espagne une intervention militaire, au cours de laquelle l'Allemagne a pris pied dans le nord de l'Espagne et dans le Maroc espagnol, et l'Italie dans le sud de l'Espagne et dans les îles Baléares. En 1937, après s'être emparé de la Mandchourie, le Japon envahit la Chine centrale et du Nord, occupe Pékin, Tientsin, Shanghaï ; il évince de la zone occupée ses concurrents étrangers. Au début de 1938, l'Allemagne s'est annexé l'Autriche, et, à l'automne de 1938, la région des Sudètes de Tchécoslovaquie. A la fin de 1938, le Japon s'est emparé de Canton et, au début de 1939, de l'île de Haïnan.

C'est ainsi que la guerre, qui s'était imperceptiblement glissée vers les peuples, a entraîné dans son orbite plus de 500 millions d'hommes et étendu la sphère de son action sur un immense territoire, depuis Tientsin, Shanghaï et Canton jusqu'à Gibraltar, en passant par l'Ethiopie.

Après la première guerre impérialiste, les Etats vainqueurs, principalement l'Angleterre, la France et les Etats-Unis, avaient créé un nouveau régime de rapports entre les pays, le régime de paix d'après-guerre. Ce régime avait pour bases principales, en Extrême-Orient, le pacte des neuf puissances et, en Europe, le traité de Versailles et toute une série d'autres traités. La Société des Nations était appelée à régler les rapports entre les pays dans le cadre de ce régime, sur la base d'un front unique des Etats, sur la base de la défense collective de la sécurité des Etats. Cependant, les trois Etats agresseurs et la nouvelle guerre impérialiste déclenchée par eux ont renversé de fond en comble tout ce système du régime de paix d'après-guerre. Le Japon a déchiré le pacte des neuf puissances; l'Allemagne et l'Italie, le traité de Versailles. Afin de se délier les mains, ces trois Etats se sont retirés de la Société des Nations.

La nouvelle guerre impérialiste est devenue un fait.

Mais il n'est guère aisé, à notre époque, de rompre d'un seul coup les entraves et de se ruer droit dans la guerre, sans compter avec les traités de toute sorte, ni avec l'opinion publique. Les politiques bourgeois le savent bien. Les meneurs fascistes le savent de même. C'est pourquoi, avant de se ruer dans la guerre, ils ont décidé de travailler d'une certaine manière l'opinion publique, c'est-à-dire de l'induire en erreur, de la tromper.

Un bloc militaire de l'Allemagne et de l'Italie contre les intérêts de l'Angleterre et de la France en Europe ? Allons donc, mais ce n'est pas un bloc ! «Nous» n'avons aucun bloc militaire. «Nous» avons tout au plus un innocent «axe Berlin-Rome», c'est-à-dire une certaine formule géométrique de l'axe. (Rires.)

Un bloc militaire de l'Allemagne, de l'Italie et du Japon contre les intérêts des Etats-Unis, de l'Angleterre et de la France en Extrême-Orient ? Jamais de la vie ! «Nous» n'avons aucun bloc militaire. «Nous» avons tout au plus un innocent «triangle Berlin-Rome-Tokyo», c'est-à-dire un léger engouement pour la géométrie. (Hilarité.)

Une guerre contre les intérêts de l'Angleterre, de la France, des Etats-Unis ? Des bêtises ! «Nous» faisons la guerre au Komintern, et non à ces Etats. Si vous ne nous croyez pas, lisez le «pacte antikomintern» conclu entre l'Italie, l'Allemagne et le Japon.

C'est ainsi que messieurs les agresseurs pensaient travailler l'opinion publique, bien qu'il ne fût pas difficile de voir que toute cette maladroite comédie de camouflage était cousue de fil blanc. Car il serait ridicule de chercher des «foyers» du Komintern dans les déserts de la Mongolie, dans les montagnes de l'Ethiopie, dans les brousses du Maroc espagnol. (Rires.)

Mais la guerre est inexorable. Il n'est point de voiles qui puissent la dissimuler. Car il n'est point d'«axes», de «triangles» et de «pactes antikomintern» capables de masquer ce fait que, pendant ce temps, le Japon a conquis un immense territoire en Chine ; l'Italie — l'Ethiopie ; l'Allemagne — l'Autriche et la région des Sudètes ; l'Allemagne et l'Italie ensemble — l'Espagne. Tout cela contre les intérêts des Etats non agresseurs. La guerre reste la guerre; le bloc militaire des agresseurs, un bloc militaire, et les agresseurs restent des agresseurs.

La nouvelle guerre impérialiste a ceci de caractéristique qu'elle n'est pas encore devenue une guerre universelle, une guerre mondiale. Les Etats agresseurs font la guerre en lésant de toutes les façons les intérêts des Etats non agresseurs et, en premier lieu, ceux de l'Angleterre, de la France, des Etats-Unis, qui, eux, reculent et se replient en faisant aux agresseurs concession sur concession.

Ainsi nous assistons à un partage déclaré du monde et des zones d'influence aux dépens des intérêts des Etats non agresseurs, sans aucune tentative de résistance, et même avec une certaine complaisance de leur part. Cela est incroyable, mais c'est un fait. Comment expliquer ce caractère unilatéral et étrange de la nouvelle guerre impérialiste ?

Comment a-t-il pu se faire que des Etats non agresseurs disposant d'immenses possibilités, aient renoncé avec cette facilité et sans résistance à leurs positions et à leurs engagements pour plaire aux agresseurs ?

La raison n'en serait-elle pas dans la faiblesse des Etats non agresseurs ? Evidemment non ! Les Etats démocratiques non agresseurs, pris ensembles, sont incontestablement plus forts que les Etats fascistes tant au point de vue économique que militaire.

Comment expliquer alors les concessions que ces Etats font systématiquement aux agresseurs ?

On pourrait expliquer la chose, par exemple, par la crainte de la révolution, qui peut éclater si les Etats non agresseurs entrent en guerre, et si la guerre devient mondiale. Certes, les politiques bourgeois savent que la première guerre impérialiste mondiale a abouti à la victoire de la révolution dans un des plus grands pays. Ils craignent que la deuxième guerre impérialiste mondiale ne conduise de même à la victoire de la révolution dans un ou plusieurs pays.

Mais pour le moment, ce n'est pas l'unique motif, ni même le motif principal. La principal motif, c'est que la majorité des pays non agresseurs et, en premier lieu, l'Angleterre et la France, ont renoncé à la politique de sécurité collective, à la politique de résistance collective aux agresseurs ; c'est que ces pays ont passé sur les positions de la non-intervention, de la «neutralité».

Formellement, on pourrait caractériser la politique de non-intervention comme suit : «Que chaque pays se défende contre les agresseurs, comme il veut et comme il peut, cela ne nous regarde pas ; nous ferons du commerce et avec les agresseurs et avec leurs victimes». Or, en réalité, la politique de non-intervention signifie encourager l'agression, donner libre cours à la guerre et, par conséquent, la transformer en guerre mondiale. La politique de non-intervention trahit la volonté, le désir de ne pas gêner les agresseurs dans leur noire besogne, de ne pas empêcher, par exemple, le Japon de s'empêtrer dans une guerre avec la Chine et mieux encore avec l'Union soviétique ; de ne pas empêcher, par exemple, l'Allemagne de s'enliser dans les affaires européennes, de s'empêtrer dans une guerre avec l'Union soviétique; de laisser les pays belligérants s'enliser profondément dans le bourbier de la guerre; de les encourager sous main ; de les laisser s'affaiblir et s'épuiser mutuellement, et puis, quand ils seront suffisamment affaiblis, — d'entrer en scène avec des forces fraîches, d'intervenir, naturellement «dans l'intérêt de la paix», et de dicter ses conditions aux pays belligérants affaiblis.

Et ce n'est pas plus difficile que cela ! Prenons, par exemple, le Japon. Chose caractéristique : dès avant son invasion dans la Chine du Nord, tous les journaux français et anglais influents proclamaient hautement que la Chine était faible, incapable de résister ; que le Japon pourrait, avec son armée, subjuguer la Chine en deux ou trois mois. Ensuite, les politiques d'Europe et d'Amérique se sont mis à attendre, à observer. Lorsque plus tard le Japon eut développé ses opérations militaires, on lui céda Shanghaï, le coeur du capital étranger en Chine. On lui céda Canton, le foyer de l'influence exclusive de l'Angleterre dans la Chine méridionale; on lui céda Haïnan ; on le laissa cerner Hong-Kong. N'est-il pas vrai que tout cela ressemble beaucoup à un encouragement de l'agresseur : autrement dit, engage-toi plus à fond dans la guerre, et puis on verra.

Ou bien prenons l'Allemagne. On lui a cédé l'Autriche malgré l'engagement de défendre son indépendance ; on lui a cédé la région des Sudètes ; on a abandonné à son sort la Tchécoslovaquie en violant tous les engagements pris à son égard. Ensuite, on s'est mis à mentir tapageusement dans la presse au sujet de la «faiblesse de l'armée russe», de la «décomposition de l'aviation russe», des «désordres» en Union-soviétique, en poussant les Allemands plus loin vers l'Est, en leur promettant une proie facile et en leur disant : Amorcez seulement la guerre avec les bolcheviks, et pour le reste tout ira bien. Il faut reconnaître que cela aussi ressemble beaucoup à une excitation, à un encouragement de l'agresseur.

Caractéristique est le tapage que la presse anglo-française et nord-américaine a fait au sujet de l'Ukraine soviétique. Les représentants de cette presse ont crié jusqu'à l'enrouement que les Allemands marchaient contre l'Ukraine soviétique, qu'ils avaient maintenant entre les mains ce qu'ils appellent l'Ukraine carpathique avec une population d'environ 700.000 habitants ; qu'au plus tard au printemps de cette année, ils réuniraient l'Ukraine soviétique, qui compte plus de 30 millions d'habitants, à ce qu'ils appellent l'Ukraine carpathique. Il semble bien que ce tapage suspect ait eu pour but d'exciter la fureur de l'Union soviétique contre l'Allemagne, d'empoisonner l'atmosphère et de provoquer un conflit avec l'Allemagne, sans raison apparente.

Certes, il est fort possible qu'il y ait en Allemagne des fous qui rêvent de réunir l'éléphant, c'est-à-dire l'Ukraine-soviétique, au moucheron, c'est-à-dire à ce qu'ils appellent l'Ukraine carpathique. Et si réellement il y a là-bas de ces déséquilibrés, on peut être sûr que dans notre pays il se trouvera des camisoles de force en quantité suffisante pour ces aliénés. (Rafale d'applaudissements.) Mais si on laisse de côté les aliénés et qu'on s'adresse aux gens normaux, n'est-il pas clair qu'il serait ridicule et stupide de parler sérieusement de la réunion de l'Ukraine soviétique à ce qu'on appelle l'Ukraine carpathique ? Songez un peu. Le moucheron vient trouver l'éléphant, et, les poings sur les hanches, il lui dit : «Ah ! mon cher frère, comme je te plains... Tu te passes de grands propriétaires fonciers, de capitalistes, d'oppression nationale, de meneurs fascistes, ce n'est pas une vie... Je te regarde, et je ne puis m'empêcher de me dire : ton seul salut, c'est de te réunir à moi... (Hilarité.) Allons, soit ! Je te permets de réunir ton petit territoire à mon territoire immense... » (Hilarité, applaudissements.)

Fait encore plus caractéristique : certains politiques et représentants de la presse d'Europe et des Etats-Unis, ayant perdu patience à attendre la «campagne contre l'Ukraine soviétique», commencent eux-mêmes à dévoiler les dessous véritables de la politique de non-intervention. Ils parlent ouvertement et écrivent noir sur blanc que les Allemands les ont cruellement «déçus» ; car, au lieu de pousser plus loin vers l'Est, contre l'Union soviétique, ils se sont tournés, voyez-vous, vers l'Ouest et réclament des colonies. On pourrait penser qu'on a livré aux Allemands les régions de la Tchécoslovaquie pour les payer de l'engagement qu'ils avaient pris de commencer la guerre contre l'Union soviétique ; que les Allemands refusent maintenant de payer la traite, et envoient promener les souscripteurs.

Je suis loin de vouloir moraliser sur la politique de non-intervention, de parler de trahison, de félonie, etc. Il serait puéril de faire la morale à des gens qui ne reconnaissent pas la morale humaine. La politique est la politique, comme disent les vieux diplomates bourgeois rompus aux affaires. Toutefois, il est nécessaire de remarquer que le grand et périlleux jeu politique, commencé par les partisans de la politique de non-intervention, pourrait bien finir pour eux par un sérieux échec.

Tel est l'aspect véritable de la politique de non-intervention qui domine aujourd'hui.

Telle est la situation politique dans les pays capitalistes...

 

 

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