Socialisme utopique
L'idéologie moraliste et utopiste pour justifier le réformisme
L'un des courants qu'on croyait disparus avec l'avènement du marxisme est le socialisme utopique. Marx disait :
« Les premières tentatives directes du prolétariat pour faire prévaloir ses propres intérêts de classe, faites en un temps d'effervescence générale, dans la période du renversement de la société féodale, échouèrent nécessairement, tant du fait de l'état embryonnaire du prolétariat lui-même que du fait de l'absence des conditions matérielles de son émancipation, conditions qui ne peuvent être que le résultat de l'époque bourgeoise. La littérature révolutionnaire qui accompagnait ces premiers mouvements du prolétariat a forcément un contenu réactionnaire. Elle préconise un ascétisme universel et un égalitarisme grossier.
Les systèmes socialistes et communistes proprement dits, les systèmes de Saint-Simon , de Fourier, d'Owen, etc., font leur apparition dans la première période de la lutte entre le prolétariat et la bourgeoisie, période décrite ci-dessus (voir "Bourgeois et prolétaires").
Les inventeurs de ces systèmes se rendent bien compte de l'antagonisme des classes, ainsi que de l'action d'éléments dissolvants dans la société dominante elle-même. Mais ils n'aperçoivent du côté du prolétariat aucune initiative historique, aucun mouvement politique qui lui soit propre.
Comme le développement de l'antagonisme des classes marche de pair avec le développement de l'industrie, ils n'aperçoivent pas davantage les conditions matérielles de l'émancipation du prolétariat et se mettent en quête d'une science sociale, de lois sociales, dans le but de créer ces conditions.
A l'activité sociale, ils substituent leur propre ingéniosité; aux conditions historiques de l'émancipation, des conditions fantaisistes; à l'organisation graduelle et spontanée du prolétariat en classe, une organisation de la société fabriquée de toutes pièces par eux-mêmes. Pour eux, l'avenir du monde se résout dans la propagande et la mise en pratique de leurs plans de société.
Dans la confection de ces plans, toutefois, ils ont conscience de défendre avant tout les intérêts de la classe ouvrière, parce qu'elle est la classe la plus souffrante. Pour eux le prolétariat n'existe que sous cet aspect de la classe la plus souffrante.
Mais la forme rudimentaire de la lutte des classes, ainsi que leur propre position sociale les portent à se considérer comme bien au-dessus de tout antagonisme de classes. Ils désirent améliorer les conditions matérielles de la vie pour tous les membres de la société, même les plus privilégiés. Par conséquent, ils ne cessent de faire appel à la société tout entière sans distinction, et même ils s'adressent de préférence à la classe régnante. Car, en vérité, il suffit de comprendre leur système pour reconnaître que c'est le meilleur de tous les plans possibles de la meilleure des sociétés possibles.
Ils repoussent donc toute action politique et surtout toute action révolutionnaire; ils cherchent à atteindre leur but par des moyens pacifiques et essayent de frayer un chemin au nouvel évangile social par la force de l'exemple, par des expériences en petit qui échouent naturellement toujours. »
Aujourd'hui, avec le recul du marxisme depuis des décennies, la victoire temporaire de la petite bourgeoisie sur le plan "théorique", on voit revenir cette forme de socialisme.
Notamment dans les milieux universitaires petits bourgeois, bien conscients des vicissitudes du capitalisme, et le critiquant avec les griefs classiques contre la "mondialisation", le "néo-libéralisme", la "modernité capitaliste", etc.
Cette critique a un point faible, c'est qu'elle est incapable de comprendre le rôle historique du prolétariat. Et cela peut se comprendre dans l'entre-soi petit bourgeois de pays embourgeoisés où la question des classes sociales semblait avoir été "enterrée" par une fin de l'histoire et les doux auspices d'une classe moyenne éternelle et n'imaginant pas autre chose qu'elle même pour l'éternité.
Ainsi ce socialisme défend les intérêts de classe moyenne, et n'imagine même pas qu'il puisse y avoir autre chose car il est bien sur incapable de se projeter dans le futur, de voir le déclin de cette petite bourgeoisie et l'émergence du prolétariat comme force concrète. Cette impuissance politique se traduit par des appels vains à la classe dominante pour qu'elle se régule, se modère.
Ce socialisme est donc un moralisme plat, et pour le reste, parfaitement soluble dans toutes les autres formes de socialisme décrites ici. Il en appelle à la "raison" face aux intérêts des capitalistes. Cette "raison" tombée d'on ne sait-où et planant au-dessus de la réalité, n'est pas le marxisme. Le marxisme place comme force politique l'intérêt du prolétariat et non la "raison", car la politique n'est pas la théologie et ce n'est pas la "raison" qui fait les rapports de force entre les hommes, mais uniquement les intérêts. Et si ce n'est pas la "raison", ce n'est pas non plus l'altruisme, la prétendue "bonté humaine", la "compassion" ou la morale, et autres misérables caches sexes, qui font la société.
Ce rationnalisme et cette bondieuserie seraient encore de bien moindres erreurs si elles ne servaient pas à justifier le réformisme, la collaboration de classe, la défense des intérêts petits bourgeois (ce sont donc bien des intérêts et non la "raison" ou la "compassion").
Ce socialisme a bien compris le problème posé par les intérêts contradictoires dans la société, mais il place l'égoïsme comme une sorte de force maléfique, un esprit malin sorti d'on ne sait-où et auquel il faudrait bien sur opposer une autre force magique, la raison. Cet idéalisme ne voit pas que l'intérêt égoïste est le fondement réel de la société et en même temps l'acide qui la ronge, et que c'est en cela que réside la contradiction. Posé ainsi, le problème n'est plus une question de "changement de mentalités" mais un problème de lutte concrète entre des intérêts de classes opposées, c'est à dire la vraie politique.
Or ce socialisme n'a pas été capable de développer ne serait-ce qu'une thèse dans ce sens, car il défend les intérêts de la classe moyenne. Ces socialistes sont capables de professer une vision du monde matérialiste, niant la liberté humaine, etc. mais sont incapables d'appliquer ce matérialisme à la politique, car cela remettrait en cause l'intérêt fondamental de la classe moyenne à laquelle ils appartiennent, donc ils réintroduisent l'idéalisme en politique.
Ces socialistes s'imaginent que parler de l'intérêt égoïste comme force concrète revient à céder à la bourgeoisie sur le terrain des idées, céder à sa vision du monde. Mais il n'en est rien. Car encore la bourgeoisie voit son monde comme éternel et indépassable, tandis que le marxisme montre que la coexistence d'intérêts contradictoires dans la société fait entrer la société en mouvement et la rend donc périssable, vouée à être remplacée par une autre. Ces socialistes utopiques lancent des assauts contre l'intérêt égoïste et proposent en retour l'altruisme, en cela ils ne font que revenir aux religions moralistes. Ils ne voient pas l'aspect positif et réel de l'intérêt, son auto-dépassement. De même qu'on ne fait pas voler un avion en abolissant la gravité mais en l'utilisant, on ne passe pas au communisme en abolissant l'égoïsme mais en l'utilisant. Tout au plus les socialistes utopiques ridiculisent le marxisme en le faisant passer pour une oeuvre de charité et n'en voient pas la portée concrète et réelle.
Nous voyons bien que ce socialisme utopique, très universitaire, est incapable de produire quoi que ce soit, et la faiblesse de sa critique s'en ressent fortement.
Aussi, poussé jusqu'au bout, ce socialisme, utopique, n'a d'autre possibilité pratique que de former des petites communautés soit réelles, soit culturelles et spirituelles, mais sans aucune chance d'accomplir le moindre progrès dans la lutte concrète du prolétariat.
Informations sur ce site
Ce site entend donner aux communistes les outils intellectuels et idéologiques du marxisme-léninisme. A son époque déjà, Lénine notait "la diffusion inouïe des déformations du marxisme", il concluait que "notre tâche est tout d'abord de rétablir la doctrine de Marx". Ces éléments théoriques ont pour but de participer à la formation des jeunes cadres dont le parti du marxisme révolutionnaire aura besoin en France au cours des prochaines années. A son époque, Marx remarquait déjà "qu'en France, l’absence de base théorique et de bon sens politique se fait généralement sentir". Le manque de formation marxiste-léniniste est un obsctacle majeur à la construction d'un futur parti et un terreau fertile au maintien (voire au retour) des thèses réformistes, révisionnistes, opportunistes qui occupent actuellement tout le terrain sous une multitude de formes. Ce site n'est qu'une initiation au marxisme-léninisme. Les textes ne sont pas suffisants à la maîtrise du marxisme, ils sont une tentative de vulgarisation, d'explication de la pensée marxiste, ainsi qu'un éclairage de l'actualité à l'aide de cet outil. Il va de soi qu'une lecture des classiques du marxisme-léninisme est indispensable.
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