Le maoïsme
La révolution bourgeoise de Mao, un anti-communisme dissimulé
Introduction
a- La révolution maoïste, révolution prolétarienne ou révolution bourgeoise ?
b- Mao Zedong, grand marxiste-léniniste ou charlatan idéaliste ?
c- "Guerre populaire" ou révolution socialiste ?
d- Les conceptions anti-léninistes du Mao sur la question du parti
e- La théorie absurde et mystificatrice de la "bonne" bourgeoisie contre la "mauvaise"
f- Changement de mentalité et réconciliation de classe ("révolution culturelle") ou dictature du prolétariat ?
g- Les communes populaires, délire réactionnaire petit-bourgeois anti-communiste
h- Le socialisme met-il fin à la contradiction dans la société ? dialectique conservatrice contre dialectique marxiste
i- Révisionnismes maoïstes et khrouchtchéviens main dans la main contre Staline
j- De l'échec de la "troisième voie" à la soumission de la Chine à l'impérialisme américain
k- La lutte contre le prétendu "hoxaïsme" masque une véritable lutte contre le marxisme
l- De l'importance de la lutte contre le maoïsme à l'heure actuelle
m- Sociologie du maoïsme et de l'intelligentsia
Introduction
Le maoïsme a beaucoup de points communs avec le trotskysme.
Il s'agit également d'une théorie révisionniste, qui tire sa source dans la révolution chinoise faite par Mao. Mao n'était pas marxiste. Sa révolution était une révolution bourgeoise nationale-démocratique d'émancipation contre l'impérialisme.
En revanche une révolution socialiste, c'est tout autre chose.
Le Parti Communiste Chinois, PCC, contrairement à ce que son nom indique, n'avait rien de communiste. Il faut bien comprendre que les "communistes" de Mao n'étaient pas l'équivalent des bolcheviques de Lénine, mais bien plus du parti socialiste révolutionnaire russe, c'est à dire de populistes mêlant moyenne et petite bourgeoisie, paysannerie, et surement pas des prolétaires. D'ailleurs le PCC réprima dans le sang les débuts de mouvements ouvrier en Chine.
Bien sur l'apport de Mao fut grand sur le plan de la lutte anti-impérialiste. Mais la Chine était essentiellement animée par la bourgeoisie en pleine ascencion, aidée de la paysannerie, mais très peu par le prolétariat industriel qui était peu développé, ou en tout cas pas suffisament pour être capable d'avoir son propre parti réellement communiste (et pas juste dans les mots comme le P"C"C de Mao). Même minoritaire, la classe ouvrière aurait pu, à l'instar de la classe ouvrière Russe, s'allier avec le prolétariat des campagnes pour renverser la bourgeoisie et instaurer la dictature du prolétariat. Malheureusement, pour des raisons qui sont propres à la Chine, un tel parti n'a pas pu exister et par conséquent la classe ouvrière chinoise n'a pas pu réaliser ce que les bolcheviques avaient réalisé en 1917 (à savoir, réaliser la révolution socialiste immédiatement après la révolution bourgeoise). La Chine, elle, est restée bloquée au stade de la révolution bourgeoise. Elle a fait comme février 1917 avec Mao (révolution bourgeoise), mais pas octobre 1917 comme les bolcheviques et Lénine. Contrairement à ce que disait Mao (comme nous allons le voir par la suite), une telle révolution socialiste aurait été possible, à condition bien sur qu'un véritable parti de type bolchevique mène le prolétariat. Le vide théorique marxiste complet qui régnait au P"C"C (et pour Mao lui-même) avant la révolution chinoise de 1949 constraste fortement avec la formation marxiste poussée et exigeante des militants et cadres du parti bolcheviques. Le caractère bourgeois de la révolution chinoise d'un côté et le caractère socialiste de la révolution bolchevique, c'est ce qui différencie fondamentalement l'histoire de la Chine "socialiste" de l'URSS.
Avant de commencer à lire la suite, il faut bien comprendre que Mao n'était pas un marxiste mais un révolutionnaire démocrate bourgeois, et c'est sous cet angle qu'il faut aborder tout le problème. Ce n'est pas sous l'angle du socialisme qu'il faut éclairer cette énigme, mais sous l'angle de la bourgeoisie, le socialisme n'étant qu'un masque. Mao fut donc certes un grand dirigeant, et il serait injuste de lui retirer cela, mais seulement du point de vue d'un révolutionnaire démocratique bourgeois. Mao lui-même et les maoïstes par la suite ont tenté d'affubler Mao du titre immérité de "marxiste-léniniste" et la Chine du titre immérité de "pays socialiste". En réalité Mao était un révolutionnaire bourgeois, qui a dirigé le pays non pas seul, mais forcément appuyé par une force sociale ; et cette force n'était autre que le soutien de la bourgeoisie industrielle et d'éléments de la petite bourgeoisie, entraînant derrière eux la paysannerie en prétendant que leur intérêt était identique (ce que prétendent toutes les révolutions bourgeoises).
a- La révolution maoïste, révolution prolétarienne ou révolution bourgeoise ?
Les maoïstes prétendent que la révolution chinoise était une "grande révolution prolétarienne". Ce n'est pourtant pas ce que Mao disait : « La transformation de notre révolution en révolution socialiste est une question qui appartient à l'avenir... Quant à savoir quand s'effectuera ce passage... il se peut que cela nécessite une assez longue période. Tant que toutes les conditions politiques et économiques requises ne sont pas réunies pour ce passage, tant que cette transition ne peut profiter, mais seulement nuire à l'immense majorité de notre peuple, il ne doit pas en être question. (Mao Tsétoung, Œuvres choisies)
De cette citation ressort deux choses. 1- la révolution chinoise était une révolution bourgeoise, le P"C"C était lui-même un parti de collaboration de classe (nous reviendrons plus tard sur cet aspect) 2- Mao reprend ici la vielle thèse réformiste de la IIème internationale et des mencheviks (ou trotskystes), pour qui la révolution "démocratique"-bourgeoise ne devait pas être suivie immédiatement d'une révolution socialiste. C'est précisément contre ce point de vue que ce sont battus Marx, puis Lénine à son époque (et d'ailleurs la révolution d'octobre 1917 s'est faite seulement quelques mois après la révolution bourgeoise de février !). Les conditions objectives de la révolution ne nécessitent pas que le prolétariat urbain soit majoritaire, à condition bien sur que le prolétariat des campagnes soit nombreux. A cette condition la classe ouvrière des villes peut mener la révolution et s'allier avec le prolétariat paysan pour terrasser la bourgeoisie. Ce n'est pas du tout la base sociale du maoïsme, qui s'appuyait en fait sur la classe moyenne des campagnes et la bourgeoisie des villes (le P"C"C était constitué de haut en bas par la classe moyenne et la bourgeoisie).
Pour Mao donc, la révolution prolétarienne devait être remise à demain, dans très longtemps, traduction : jamais. Et ça voyez-vous, chers camarades, c'est cela la "troisième épée" du marxisme-léninisme !
Déjà en 1940, Mao exprimait ce point de vue opportuniste et anti-communiste sur l'impossibilité de réaliser la révolution socialiste immédiatement après la révolution bourgeoise. Ainsi il disait : « La révolution chinoise doit nécessairement traverser... la phase de la nouvelle démocratie et, seulement après, la phase du socialisme. De ces deux phases, la première sera relativement longue... [...] Durant cette période il faudra admettre tous les éléments du capitalisme, de la ville et de la campagne. »
On retrouve là trait pour trait les théories opportunistes de la IIème internationale de Berne, déformations de la théorie marxiste de la révolution combattues avec acharnement par Lénine et les bolcheviques.
Quand on demande à Mao de décrire le fonctionnement de l'économie en Chine en 1953, il répondait : "L'économie capitaliste telle qu'elle existe actuellement en Chine est, pour la plus grande partie, une économie capitaliste, placée sous le contrôle du gouvernement populaire, liée sous diverses formes avec l'économie socialiste que représente le secteur d'Etat et soumise à la surveillance des ouvriers. Ce n'est donc plus une économie capitaliste ordinaire, mais une économie capitaliste particulière, une économie capitaliste d 'Etat d'un type nouveau. Si elle existe, c'est surtout pour satisfaire les besoins du peuple et de l'Etat, et non pas pour permettre aux capitalistes de réaliser des bénéfices. Certes, le travail des ouvriers procure encore une part de profit aux capitalistes, mais cette part est faible et ne représente qu'environ le quart du profit global ; les trois quarts restants sont destinés aux ouvriers (fonds de bien-être), à l'Etat (impôt sur le revenu) ainsi qu'à l'accroissement des équipements de production (une petite partie du profit qu'ils rapportent revient aux capitalistes). Ainsi, cette économie capitaliste d' Etat d'un type nouveau revêt, dans une très grande mesure, un caractère socialiste et offre des avantages aux ouvriers et à l'Etat. "
Eclairons rapidement ce point, la NEP des bolcheviques n'a rien à voir avec le système de la Chine maoïste décrit plus haut. En 1923, en URSS, plus des trois quarts de toute la production industrielle était propriété d'état, sous un contrôle réel et exclusif des ouvriers, la bourgeoisie avait été complètement écartée de tout le pouvoir. En Chine au contraire il persistait l'existence d'une classe exploiteuse, et le "gouvernement populaire" était un gouvernement de collaboration de classe, en fait celui de la bourgeoisie chinoise et non du prolétariat comme en URSS (le mot "populaire" tend à effacer la question centrale de la classe dominante en Chine, prolétariat ou bourgeoisie ? Il s'agissait de la bourgeoisie.). Qui plus est la NEP en URSS était un passage temporaire destiné à relever la production agricole et industrielle après les destructions de la guerre, donc à renforcer les liens entre classe ouvrière et paysannerie prolétarienne, et non à faire collaborer des classes antagonistes (ouvriers et bourgeois), comme ce fut le cas en Chine... Bref en URSS, lors de la NEP jusqu'en 1929, l'économie s'inspirait de la forme du capitalisme d'état, tandis que le prolétariat dirigeait en fait à lui seul la politique et presque toute l'économie. Rien à voir avec la Chine donc, qui dans les faits n'a jamais été socialiste.
Il fallait que ce système chinois "mixte" (soit-disant de transition), profite autant "au travail qu'au capital" (sans rire !!). Ainsi Mao disait (et cela devrait théoriquement choquer tout socialiste qui a un peu de respect pour le marxisme), Mao disait donc en 1953 : "Il y a des capitalistes qui manifestent une gran de réticence envers l'Etat ; la passion du gain ne les a pas encore quittés. D'autre part, certains ouvriers vont trop vite, ils ne permettent pas aux capitalistes de faire le moindre bénéfice. Nous devons donc éduquer les uns et les a utres pour qu'ils s'adaptent progressivement (et le plus tôt possible) au principe politique du gouvernement selon lequel les entreprises industrielles et commerciales privées de la Chine servent essentiellement l'écono mie nationale et le bien-être du peuple et, en partie, travaillent pour procurer du profit aux capitalistes."
Mao le reconnaissait lui-même : "Dans les entreprises industrielles et commerciales mixtes, à capital privé et d'Etat, les capitalistes touchent encore un intérêt fixe, il y a donc toujours exploitation."
La bourgeoisie pouvait donc exploiter en toute liberté la classe ouvrière, en dépit de quelques réformes sociales. Mao reconnaissait ainsi : « les lois du travail de la République populaire... ne sont pas dirigées contre l'enrichissement de la bourgeoisie nationale... »
Est-ce cela le socialisme ? Mao reconnaît donc qu'il existe en Chine une classe exploiteuse, et même celle-ci est en fait aux commandes de l'état, soit disant main dans main avec les ouvriers. Donc ici il est bien question de collaboration de classe, les ouvriers et les capitalistes auraient les mêmes intérêts ? Et c'est cela le "nec plus ultra" du marxisme-léninisme ? Mao prétendait que peu à peu le capitalisme se transformerait en socialisme, parce que peu à peu les capitalistes seraient "rééduqués" à avoir moins d'appétit pour le profit et qu'ainsi le gouvernement bourgeois de Mao dirigerait le pays vers le socialisme. De qui se moque-t-on ? Seul un gouvernement entièrement prolétarien a intérêt à construire le socialisme et il est impensable de raisonner en terme de "morale" et "d'appétit pour le gain" alors même que les lois économiques du capitalisme sont précisément celles du profit maximum, lois que ni les slogans chinois ni la "bonne volonté" ne peuvent faire plier. Bref on voit à quel point le maoïsme est le "stade ultime" du marxisme-lénisme. Il faut vraiment être soit totalement idiot soit totalement traître au marxisme pour ne pas voir à quel point le maoïsme est une doctrine totalement étrangère et totalement hostile au marxisme, au socialisme scientifique de Marx, Engels et Lénine. Le marxisme ne se base pas sur la "bonne volonté" des capitalistes et de bourgeoisie pour arriver au socialisme. De quel degré de malhonnêteté il faut pour en arriver pour faire passer cela comme étant une "nouvelle étape" incontournable du marxisme, non mais sérieusement ?
Staline nous rappelait qu'il est impossible de construire le socialisme sur une autre base sociale que le prolétariat : « L'idéal socialiste n'est pas l'idéal de toutes les classes. C'est l'idéal du prolétariat seulement, et toutes les classes ne sont pas directement intéressées à sa réalisation, mais seulement le prolétariat. »
Par conséquent l'idée que peu à peu le capitalisme chinois allait se transformer en socialisme, que le gouvernement bourgeois chinois pouvait porter le communisme est une vaste escroquerie. Le socialisme de Marx ne se base pas sur le changement de mentalité des exploiteurs mais sur la dictature sans partage du prolétariat sur la société, seule classe qui a intérêt à bâtir la société socialiste.
Lénine soulignait avec force qu'il était impossible de qualifier de "socialiste" les républiques bourgeoise, peu importe qu'elles soient affublées du titre de "sociales "ou "populaires". Aucun pays ne peut être dirigé à la fois par la bourgeoisie et le prolétariat. S'il existe une classe dominante exploiteuse, c'est celle-ci qui dirige réellement la société, dans son propre intérêt et il ne peut en être autrement tant que le régime bourgeois n'est pas totalement détruit. Ainsi il disait : « Le point le plus important, que ne comprennent pas les [faux] socialistes et qui constitue leur myopie théorique, leur emprisonnement dans les préjugés bourgeois et leur trahison politique envers le prolétariat, c'est que dans la société capitaliste, dès que s'aggrave la lutte des classes qui est à sa base, il n'y a pas de milieu entre la dictature de la bourgeoisie et la dictature du prolétariat. Tous les rêves d'une solution intermédiaire ne sont que lamentations réactionnaires de petits bourgeois. »
On conçoit à la lumière de ces citations de Lénine à quel point le prétendu système "mixte" de co-gestion bourgeoise et prolétarienne de la société chinoise est une vaste escroquerie qui ne masquait rien d'autre que la dictature de la bourgeoisie chinoise.
Lénine exprimait très clairement le point de vue marxiste sur cette question centrale, à savoir qu'un pays ne peut être qualifié de socialiste tant qu'il subsiste l'état "démocratique" bourgeois, tant qu'il subsiste l'exploitation d'une classe par une autre :
« La République des Soviets a rejeté ce mensonge bourgeois et déclaré ouvertement: vous prétendez que votre Etat est libre ; mais en réalité, tant qu'existe la propriété privée, votre Etat, fût-il une république démocratique, n'est qu'une machine aux mains des capitalistes pour réprimer les ouvriers, et cela apparaît d'autant plus clairement que l'Etat est plus libre. La Suisse en Europe, les Etats-Unis en Amérique, en sont un exemple. Nulle part la domination du capital n'est aussi cynique et impitoyable, et nulle part cela n'éclate autant que dans ces pays qui sont pourtant des républiques démocratiques, malgré leur savant maquillage, malgré tous les propos sur la démocratie pour les travailleurs, sur l'égalité de tous les citoyens.
[...]
Quelles que soient les formes revêtues par la république, fût-elle la plus démocratique, si c'est une république bourgeoise, si la propriété privée de la terre, des usines et des fabriques y subsiste, et si le capital privé y maintient toute la société dans l'esclavage salarié, autrement dit si l'on n'y réalise pas ce que proclament le programme de notre Parti et la Constitution soviétique, cet Etat est une machine qui permet aux uns d'opprimer les autres. »
C'est pourquoi non seulement la révolution chinoise n'était pas une révolution socialiste, mais en plus la Chine était donc une dictature du la bourgeoisie. Lénine disait donc : « Les formes d'Etats bourgeois sont extrêmement variées, mais leur essence est une : en dernière analyse, tous ces Etats sont, d'une manière ou d'une autre, mais nécessairement, une dictature de la bourgeoisie. »
Il va donc de soi que la Chine n'a jamais été (ni avant ni pendant ni après le règne de Mao), une dictature du prolétariat ni un pays socialiste et n'avait pas vocation à le devenir. Au contraire elle a été et subsite une dictature de la bourgeoisie et un pays capitaliste.
Mais les maoïstes persistent à ne pas l'admettre, malgré le fait que Mao l'ai lui-même admis, alors peut-être que ces paroles de Zhou En-laï (premier ministre de Mao) les forcera à l'admettre : « La Chine n'est pas encore un pays communiste, et si la politique de Mao Tsétoung est appliquée de façon juste, elle tardera beaucoup à le devenir. »
b- Mao Zedong, grand marxiste-léniniste ou charlatan idéaliste ?
Bien sur Mao et les maoïstes n'admettèrent pas qu'ils n'étaient pas marxistes. Car comme nous allons le voir, ce masque leur était bien utile. Ce système bourgeois, affublé du titre immérité de "socialisme", tel est la définition de cette prétendue troisième voie. En réalité, la Chine maoïste n'a été rien d'autre qu'un pays capitaliste et donc une dictature de la bourgeoisie. C'est uniquement parce que les maoïstes se sont sans cesse présentés comme marxistes que ce texte lui-même existe, autrement il n'aurait eu aucun sens. Il ne s'agit pas d'un combat entre des marxistes qui ne reconnaissent pas Mao ("hoxhaistes") et des marxistes qui se revendiquent de Mao. Il s'agit, et c'est très important de comprendre cela, d'une divergence entre de véritables et authentiques marxistes d'une part, et de véritables et authentiques révisionnistes d'autre part.
Afin d'empêcher le mouvement communiste international de réaliser l'escroquerie du système chinois "mixte", les chinois bloquèrent tout accès à leurs archives, entourèrent la situation interne de la Chine d'un écran de fumée, permettant ainsi de faire croire au monde que Mao était un "grand marxiste-léniniste" et la Chine un grand "pays socialiste".
Dès lors cette tentative de troisième voie ne pouvait manquer d'aller de pair avec de grossières déformations du marxisme. Des inversions et des contre-sens, un saccage du marxisme.
Mao prétendait corriger Lénine et Staline, corriger leurs "insuffisances", qu'ils n'auraient pas comprises. Il prétend être la "troisième épée". En fait il n'a fait que réintroduire le révisionnisme.
En 1949, Mao fut invité en URSS. Viatcheslav Molotov, grand diplomate soviétique, rapportait ainsi sa rencontre avec Mao : « C'est un homme intelligent, un leader paysan, une sorte de Pougatchev chinois. Bien sûr, il était loin d'être marxiste. Il est venu pour le soixante-dixième anniversaire de Staline, en 1949. Il est resté quelque chose comme six semaines à la datcha de Staline. Il a été un peu souffrant. Nous sommes allés lui rendre visite Mikoyan et moi. Nous avons eu un entretien. Il nous a fait goûter du thé vert chinois. Je me souviens qu'il a dit notamment : "Je n'ai jamais lu Le Capital de Marx." Pourquoi a-t-il dit ça ? Pour montrer qu'il n'avait rien d'un doctrinaire ? » (V. Molotov, cité dans Conversations avec Molotov — 140 entretiens avec le bras droit de Staline, Félix Tchouev)
Emelian Pougatchev avait mené entre 1774 et 1775 une révolte paysane sous le règne de Catherine II. C'était une référence notable du parti "socialiste-révolutionnaire" de Russie (parti de la petite bourgeoisie des campagnes, adversaire des bolcheviques, équivalent russe des maoïstes).
Contrairement à Mao qui n'a jamais lu le Capital, les bolcheviques accordaient une grande importance à la formation théorique marxiste de leurs militants et dirigeants. Le rejet gauchiste de la théorie n'est pas restreint aux maoïstes, mais c'est un fait récurrent chez eux. Staline n'avait de cesse de rappeler l'importance de la formation théorique, non seulement avant la révolution, mais aussi après : « Il est nécessaire que nos cadres aient une connaissance approfondie de la théorie économique marxiste. La vieille génération des bolchéviques était très solide théoriquement. Nous avons appris le Capital par cœur, fait des tableaux synoptiques, tenu des discussions et testé mutuellement notre connaissance. Ce fut notre force et cela nous a beaucoup aidés. La deuxième génération a été moins préparée. Ils étaient occupés avec la pratique et la construction. Ils ont étudié le marxisme dans les livres. La troisième génération a été élevée par les articles satiriques de la presse. Ils n'ont aucune compréhension profonde de la théorie économique. Ils doivent être alimentés par une nourriture facile à digérer. La majorité a été élevée non pas en étudiant Marx et Lénine mais à coup de citations. Si l’on continue de procéder ainsi les gens dégénéreront bientôt. »
Engels déjà à son époque, pointait du doigt l'impossibilité-même qu'il existe un mouvement communiste sans lutte théorique : « Les ouvriers allemands ont deux avantages importants sur les ouvriers du reste de l'Europe. Le premier, c'est qu'ils appartiennent au peuple le plus théoricien de l'Europe et qu'ils ont conservé en eux-mêmes ce sens de la théorie, presque complètement perdu par les classes dites "instruites" d'Allemagne. Sans la philosophie allemande qui l'a précédé, en particulier sans celle de Hegel, le socialisme scientifique allemand, le seul socialisme scientifique qui ait jamais existé, ne se serait jamais constitué. Sans le sens théorique qui leur est inhérent, les ouvriers ne se seraient jamais assimilé à un tel point ce socialisme scientifique, comme c'est le cas à présent. Combien est immense cet avantage, c'est ce que montrent, d'une part, l'indifférence à toute théorie qui est une des principales raisons pour lesquelles le mouvement ouvrier anglais progresse si lentement malgré la magnifique organisation de certains métiers, et d'autre part, le trouble et les hésitations que le proudhonisme a provoqués, sous sa forme primitive, chez les Français et les Belges et, sous la forme caricaturale que lui a donnée Bakounine, chez les Espagnols et les Italiens. »
Lénine également ne disait autre chose : « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. On ne saurait trop insister sur cette idée à une époque où l'engouement pour les formes les plus étroites de l'action pratique va de pair avec la propagande à la mode de l'opportunisme. [...] seul un parti guidé par une théorie d'avant-garde peut remplir le rôle de combattant d'avant-garde. »
« L'absence de théorie, disait Lénine, enlève à une tendance révolutionnaire le droit d'exister et la condamne nécessairement, tôt ou tard, à la faillite politique. »
En dépit de sa prétendue "science" "géniale", Mao lui-même était obligé de reconnaître la faiblesse théorique de son mouvement, qui dans les faits n'était pas du tout formé au marxisme-léninisme (et Mao lui-même non plus, sauf quelques références et beaucoup de slogans, vernis masquant mal l'absence de base doctrinale marxiste depuis la fondation du P"C"C) : « Nous avons mené notre activité révolutionnaire pendant plusieurs années à l'aveuglette, sans savoir comment doit être accomplie la révolution, contre qui doit être dirigé son fer de lance, sans nous représenter ses étapes, sans savoir qui il faut renverser d'abord, et qui ensuite, etc. » (Mao Zedong, 1962)
On peut constater avec Mao un incroyable éclectisme, changeant de principes chaque jour au point que sa politique semble illisible, sauf à comprendre que son seul principe est l'absence de principe, et tout faire pour garder ou récupérer le pouvoir, quitte à dire tout et son contraire... Derrière quelques slogans aux alures marxisantes, on gratte un peu, et on ne trouve rien de très reluisant.
Dans sa jeunesse et avant la révolution, Mao écrivit beaucoup, ce qui nous permet aujourd'hui d'avoir une trace concrète et irréfutable du fait que Mao était un idéaliste forcené et non un matérialiste ou un marxiste comme l'ont prétendu par la suite les maoïstes.
Mao a falsifié la théorie matérialiste de la connaissance en lui substituant sa théorie de la "dialectique théorie-pratique", qui n'est qu'une forme de positvisme. En soi elle justifie l'abandon de la science, sous prétexte de plus d'efficacité pratique. Ainsi ce ne serait pas la démarche scientifique marxiste qui serait la source de la connaissance juste du monde, les bonnes idées émergeraient "spontanément" au cours de la lutte des classes et il n'y aurait qu'à les révéler, et qu'au fond la vérité ne compterait pas tant que "l'efficacité" de la théorie. On conçoit à quel point cette conception du "matérialisme" est l'exact inverse du matérialisme de Marx. Pour Mao, sont vrais la théorie, le plan, la directive qui « conduisent au but fixé », qui « entraînent le succès », qui « produisent les résultats attendus ». La vérité selon lui n'a donc pas de contenu objectif, indépendant de l'homme. Elle dépend du sujet, des buts et des intérêts des hommes ou de groupes sociaux déterminés. C'est une conception pragmatique de la vérité, une négation de son caractère objectif. Ainsi Mao prend de grandes libertés vis à vis du matérialisme et de la science, ce qui se retrouve d'ailleurs à travers toute son "oeuvre" décousue, où il dit tout et son contraire (eh oui puisque selon Mao, "sous se transforme en son contraire", "la vérite en mensonge, le mensonge en vérité", etc.) Bref, de la pure sophistique d'escroc.
En réalité la base doctrinale de Mao était l'idéalisme de la pensée chinoise. La taoïsme notamment a fortement influencé la conception de Mao et du maoïsme sur la dialectique. La dialectique chinoise étant une dialectique conservatrice (le yin et le yang, idéalisme métaphysique qui divinise la contradiction).
Le maoïsme s'est en particulier attaqué à la dialectique marxiste. Selon Mao, par exemple, Staline était un "subjectiviste", car « il ne voyait pas la liaison entre la lutte des contraires et leur unité. »
Le maoïsme a présenté son système philosophique comme une sorte de "mise à jour" du matérialisme dialectique de Marx et Engels, "corrigeant quelques bugs". C'est en tout cas comme ça qu'ils présentent leur philosophie. Nous reviendrons sur cet aspect plus tard et j'expliquerai les enjeux de ces attaques contre la dialectique marxiste. Pour l'instant, nous rappelerons simplement que si bien évidemment la totalité des écrits des grands classiques du marxisme ne sont pas des dogmes ou des vérités éternelles figées, il convient de distinguer dans le marxisme le système philosophique (c'est à dire le matérialisme dialectique) d'une part, et les mots d'ordre ou objectifs généraux d'autre part. Il y a donc bien dans le marxisme d'un côté des vérités éternelles (le matérialisme ne cessera pas d'être vrai à l'avenir...), et de l'autre des vérités temporaires, c'est à dire les diverses conclusions qui ne sont valables que pour une époque donnée dans une situation donnée. Ce qu'attaque le maoïsme, ce qu'il tente de réviser et de remettre en cause, c'est en fait le système philosophique de Marx (sous prétexte de "l'améliorer"). Comme nous allons le voir, cette "mise à jour", ressemble bien plus à cette mise à jour vers windows 10 qui s'installe tout seule sans qu'on ait rien demandé et qui fait planter le pc.
Les conceptions opportunistes de Mao se retrouvent dans son rejet de l'internationalisme prolétarien, car paraît-il il y aurait une "voie chinoise du socialisme". Une telle conception ne pouvait que servir la vision de la bourgeoisie chinoise. Mao ne plaçait pas la Chine dans les rails du marxisme et de l'internationalisme prolétarien, il suffit de lire ce qu'il a écrit : « La Chine actuelle est le produit de tout le développement passé du pays... Nous devons procéder à la synthèse de tout notre passé — de Confucius à Sun Yat Sen —... et assimiler ces valeurs. Ce sera là un solide appui pour la direction du grand mouvement actuel. »
Il va de soi qu'il faut savoir puiser dans l'histoire de son propre pays des éléments utiles, mais il faut aussi savoir puiser dans l'expérience d'autres pays. Mao nous révèle au contraire son chauvinisme "intellectuel" : « les Chinois doivent laisser de côté les formules créées par les étrangers [...] tous les clichés et tous les dogmes empruntés aux autres pays »
De là à dire que le marxisme était pour Mao l'un de ces "dogmes empruntés aux pays étrangers", et donc qu'il n'était pas le fondement du "socialisme" chinois, il n'y a qu'un pas. Nous verrons au fur à mesure de ce dossier, à la lumière des preuves que j'apporte, qu'on peut sans trop de risque franchir ce pas.
c- "Guerre populaire" ou révolution socialiste ?
Le maoïsme a introduit la théorie de la "guerre populaire universelle". Or il ne saurait y avoir de mot d'ordre ou de stratégie universelle, vu que chaque pays vit dans des conditions économiques, politiques, etc. qui lui sont propres. Il s'agit ni plus ni moins que de substituer une conquête progressive du système bourgeois, en s'appuyant sur son économie ou sur son territoire, à la révolution socialiste qui est au contraire son renversement. Cela nous renvoit au commentaire ci-dessus de Lénine sur les anarchistes, incapables de prendre en compte le contexte concret de chaque pays à chaque époque avant de définir une stratégie. Et Lénine reprochait déjà aux anarchistes de développer "Comme panacée, des moyens unilatéraux, détachés du contexte".
Mais cela va bien plus loin que ça et cette question de "guerre populaire universelle" mérite d'être creusée. En effet il n'aura échappé à aucun (véritable) marxiste que la loi du passage du capitalisme au socialisme est et restera quoi qu'il arrive la dictature du prolétariat, peu importe la forme qu'elle prendra pour s'adapter au contexte de chaque pays. Lénine dit : « Le passage du capitalisme au communisme ne peut évidemment manquer de fournir une grande abondance et une large diversité de formes politiques, mais leur essence sera nécessairement une : la dictature du prolétariat. » Cette loi ne tombe pas du ciel mais a été découverte par Karl Marx, puis confirmée sans cesse par la réalité, à savoir qu'il n'existe pas de troisième voie, de possibilité d'aménager, de réformer ou en bref de refuser la dictature du prolétariat pour arriver au socialisme. On a bien sur le droit de ne pas adhérer à ce point de vue, mais dans ce cas on est pas marxiste, et on ne se bat pas contre l'esclavage salarié. Mais bien évidemment les petits bourgeois révisionnistes de tout poil ne l'entendent pas de cette oreille et ne comptent pas en rester là, prétendent inventer des formules magiques sorties de nulle part pour défier les lois scientifiques. Que cela ne nous étonne pas, car c'est là en vérité l'aspect central qui fait la distinction entre les vrais matérialistes d'un côté et les charlatans de l'autre. Ecoutons à ce sujet le jeune Mao parler : Les hommes ne sont point les esclaves de la réalité objective. [...] le subjectif crée l’objectif. - Mao Zedong, La puissance de l’esprit. On ne peut pas être plus clerc ! J'entends par là qu'il s'agit typiquement d'une vision du monde idéaliste et obscurantiste, anti-scientifique. La "guerre populaire universelle" n'est pas la dictature du prolétariat. La "guerre populaire universelle" est une n-ième tentative de faire croire qu'il est possible d'introduire du socialisme au sein-même du capitalisme (soit-disant pour le renverser ensuite après une "phase d'accumulation"). Or à ce sujet Karl Marx a été on ne peut plus précis. Le passage du féodalisme, par exemple, au capitalisme s'est fait de telle sorte que le capitalisme s'est développé au sein-même du féodalisme. Mais le passage du capitalisme au socialisme suit un tout autre fonctionnement, et on ne peut l'inventer ou le sortir d'un chapeau, car cela repose sur les lois du fonctionnement humain et social. Jamais à aucun moment le socialisme ne peut se développer au sein-même d'un pays capitaliste : absolument JAMAIS. Ce qu'il y a d'amorce "socialiste" dans le capitalisme, c'est le caractère social de la production, c'est à dire la centralisation des moyens de productions, des grandes entreprises, des grands cartels et trusts qui centralisent le process de production et de distribution, etc. La seule solution pour passer au socialisme est la révolution socialiste qui instaure la dictature du prolétariat et la propriété sociale des moyens de production. C'est ce qu'ont fait par exemple les bolcheviques. Ce n'est pas du tout ce qu'on fait les "communistes" chinois et Mao, et ce n'est pas du tout ce que propose la "guerre populaire universelle" si chère à nos maodjahidines.
Dans ce concept de "guerre populaire prolongée", les maoïstes insistent particulièrement sur le rôle de la paysannerie au détriment du prolétariat des villes, opposant même l'intérêt du prolétariat urbain à celui du prolétariat des camapagnes, au nom de la soit disant contradiction "ville-campagne", ils font passer toute division du travail pour une "contradiction" (alors que pour ce qui concerne la société, le sens marxiste du mot "contradiction" est synonyme du mot exploitation). Il s'agit donc premièrement d'une déformation complète de la théorie marxiste du socialisme, pour qui la première phase consiste à abolir la contradiction (exploitation d'une classe par une autre) et la deuxième phase (le communisme) à abolir la division du travail, ces deux phases n'étant pas en opposition l'une contre l'autre mais simplement deux étapes du socialisme. Nous reviendrons sur cet aspect plus tard. En ce qui concerne la théorie de la "guerre populaire", il s'agit donc également d'une attaque contre la théorie marxiste de l'état. La théorie des "zones libérées" revient à faire croire qu'il peut subsister sur une longue période deux états au sein d'un même pays, que ces "zones libérées" pourraient appliquer le "socialisme". Si le "socialisme" est le système entièrement bourgeois propre au maoïsme, alors effectivement... Qu'on prenne la Chine de Mao ou les actuels "guerres populaires" (kurdistan, Inde, etc.), il n'y a rien de "socialiste" dans ces "zones libérées" (il y susbsite une classe exploiteuse et une bourgeoisie, peu importe à quel point ils dissimulent tout cela derrière du barratin à base de "masses" et de "populaire"). Les naxalites en Inde n'arriveront jamais à gagner, leur victoire est tout bonnement impossible parce que le développement du capitalisme engendre inévitablement un effritement de la base sociale de ces révoltes. Quand bien même ils gagneraient, le "socialisme" qui en déboucherait serait à peu près du même cru que le "socialisme" de Mao, dans lequel il subsiste le capitalisme, la classe bourgeoise exploiteuse, etc. On parle en plus de "socialisme" dans les "zones libérées". Mais dans les faits une "zone libérée" ne peut passer au socialisme que si elle devient complètement indépendante du reste, ce qui est impossible sans y recréer toute l'économie nationale à l'échelle de ces zones. Tout cela relève d'autant plus du délire que ces "zones libérées" sont précisément des territoires ruraux d'où sont absents les principaux moyens de production du pays...
Nos maoïstes peuvent protester autant qu'ils veulent contre ce que je raconte, Mao lui-même ne disait autre chose sur sa propre vision de la révolution : « ...la campagne révolutionnaire peut encercler les villes... le travail à la campagne doit jouer le rôle principal dans le mouvement révolutionnaire chinois, tandis que le travail dans la ville, un rôle secondaire. »
A l'instar du parti socialiste révolutionnaire de Russie (parti de la classe moyenne des campagnes, adversaire des bolcheviques), les maoïstes font peser tout le poids de la révolution sur la paysannerie, et raisonnent en parfait métaphysiciens (c'est à dire en bien piètres dialecticiens). En effet il n'aura échappé à personne que la paysannerie (prolétaire ou non) est une classe en déclin numérique dans tous pays où le capitalisme existe (à l'heure actuelle la totalité du monde fonctionne selon la loi du capitalisme, même ceux récemment entrés dans le capitalisme). En France par exemple, les paysans représentaient 90% de la population sous l'Ancien régime, 50% en 1945, et près de 2% aujourd'hui. Dans les pays où le capitalisme s'est développé plus tardivement, la tendance est la même (avec simplement du retard). Ainsi la Chine et l'Inde comptent encore une certaine proportion de paysans, mais elle décline bien sur d'années en années, au profit des villes, et rejoindra bientôt celle des pays capitalistes avancés comme la France (2% voire moins). C'est pourquoi les bolcheviques considéraient que la classe à même de mener la révolution ne pouvait pas être cette base sociale qui s'effrite (donc à propension réactionnaire, surtout pour les petits bourgeois des campagnes), mais au contraire la classe du prolétariat urbain, seule classe que le capitalisme produit massivement. En conséquence de quoi c'est ce prolétariat urbain qui devait mener la révolution, et s'allier (ou du moins obtenir la neutralité bienveillante du prolétariat des campagnes).
En ce qui concerne la base sociale du socialisme, Staline résumait ainsi la position des bolcheviques : « Dans la période de 1880 à 1890, un grand débat s'était institué parmi les intellectuels révolutionnaires russes. Les populistes affirmaient que la force principale capable de se charger de la « libération de la Russie » était la petite bourgeoisie de la campagne et de la ville. Pourquoi ? leur demandaient les marxistes. Parce que, répondaient les populistes, la petite bourgeoisie de la campagne et de la ville forme aujourd'hui la majorité ; de plus, elle est pauvre et vit dans la misère. Les marxistes répliquaient : en effet, la petite bourgeoisie de la campagne et de la ville forme aujourd'hui la majorité et elle est vraiment pauvre, mais la question est-elle là ? La petite bourgeoisie forme depuis longtemps déjà la majorité, mais jusqu'à présent elle n'a, sans l'aide du prolétariat, fait preuve d'aucune initiative dans la lutte pour la « liberté ». Pourquoi ? Mais parce que la petite bourgeoisie, en tant que classe, ne grandit pas ; au contraire, de jour en jour elle se désagrège et se décompose en bourgeoisie et en prolétariat. »
Dans leurs versions modernes, les maoïstes rempacent la paysannerie par les "zones périphériques". Au lieu d'opposer le prolétariat à la bourgeoisie (seule véritable contradiction dans la société avec celle entre les nations impérialistes et les nations exploitées), ils basent leur mouvement sur des contradictions qui n'en sont pas (ville-campagne, centre-périphérie, et même d'ailleurs homme-femme ou ce genre de choses). Ces tendances à parler de "contradictions" là où il n'y a que division du travail leur est utile pour justifier que "la contradiction ne s'arrête jamais" et pour justifier des mobilisations sur d'autres bases que la lutte de classes du prolétariat contre la bourgoisie. Mobilisations forcément vouées à l'échec, car allant à contre-sens du développement historique. En effet on imagine difficilement qu'un mouvement de lutte puisse exister sans tirer sa source d'une contradiction réelle dans la société (à savoir l'exploitation d'une classe par l'autre). Telle était en tout cas la conception que Marx développa lorsqu'il parlait de dialectique. C'est l'exploitation d'une classe par l'autre qui entraîne la lutte des classes. On ne décrète ni ne crée des luttes, il n'y a rien d'arbitraire là-dedans. La division du travail en-elle-même n'est pas une contradiction et ne produit par conséquent aucun mouvement, aucune histoire. C'est pourquoi tous les mouvements féministes, anti-racistes, "périphérie contre centre", etc. sont voués à être de simples arnaques réformistes et ne sauraient être autre chose.
En réalite les maoïstes ne comprennent pas (ou ne veulent pas comprendre) la théorie marxiste de la lutte des classes. Ils voient des oppositions ou des "oppressions", et s'imaginent que chacune d'entre elles est une contradiction qui est équivalente à la lutte de classes du prolétariat contre la bourgeoisie, à mener parallèlement ("triple oppression"). Marx remarquait déjà à propos des socialistes utopiques, que Pour eux le prolétariat n'existe que sous cet aspect de la classe la plus souffrante. Ils ne comprennent que le marxisme s'appuie sur le prolétariat, non par "défense des opprimés", ni par "amour du prolétariat" comme s'amusait à le dire Staline, mais parce que 1- le capitalisme est forcé de produire le prolétariat (ses propres fossoyeurs selon la formule de Marx) 2- le prolétariat est la seule classe qui a réellement intérêt à renverser complètement le capitalisme, et donc à bâtir la société socialiste. C'est sur cette base que repose le socialisme scientifique de Marx et Engels. En vérité, et quoi qu'ils disent, les maoïstes sont en opposition complète avec le socialisme scientifique. La vérité, c'est que de toutes ces oppressions, l'oppression du prolétariat par la bourgeoisie est la seule qui constitue une véritable contradiction. La seule donc qui produise une véritable lutte, une histoire, et notamment puisse servir de base au renversement du capitalisme ainsi qu'à la construction du socialisme. Cela les maoïstes ne le comprennent pas (ou font semblant de ne pas la comprendre) parce qu'ils ne défendent pas l'intérêt du prolétariat, c'est aussi simple que cela. Leur intérêt objectif correspond à leur intérêt de classe, à savoir celui de la classe moyenne. C'est pourquoi ils sont incapables d'admettre le marxisme ailleurs que dans les mots et les slogans. Voilà pourquoi leur mouvement est voué à l'échec et n'atteinra jamais ses objectifs, en dépit des quelques forces qu'il peut soulever ici ou là. A long terme, il est une impasse.
La "guerre populaire" est donc un concept totalement étranger et hostile aux thèses marxistes sur l'état, les classes sociales et la révolution. Le mot "populaire" d'ailleurs, comme bien souvent, sert à masquer la nature de classe (bourgeoise) du problème. La Chine n'était pas une dictature du prolétariat mais une dictature de la bourgeoisie, voilà ce servait à masquer la phraséologie "populaire". Front populaire, "démocratie" populaire, guerre populaire, gouvernement populaire, les maoïstes cuisinent le mot "populaire" à toutes les sauces, afin d'essayer d'effacer la nature de classe de tout état, afin d'essayer de faire croire qu'il serait au-dessus de la société et des antagonismes de classes (ce que prétend sans cesse la bourgeoisie, petite comme grande lorsqu'il s'agit de l'état "démocratique" bourgeois comme celui actuel). La réalité est que tout état (qu'il soit bourgeois ou prolétarien) est l'état de la classe dominante, pour réprimer d'autres classes, il n'est jamais l'état de tout le peuple. Derrière cet usage du mot "populaire", nous avons donc une véritable falsification opportuniste de la doctrine de Marx sur l'état. Rappelons donc ce que Lénine disait à propos du mot d'ordre opportuniste "d'état populaire" : « L'"Etat populaire libre" était une revendication inscrite au programme des social-démocrates allemands des années 70 et qui était devenue chez eux une formule courante. Ce mot d'ordre, dépourvu de tout contenu politique, ne renferme qu'une traduction petite-bourgeoise et emphatique du concept de démocratie. Dans la mesure où l'on y faisait légalement allusion à la république démocratique, Engels était disposé à "justifier", "pour un temps", ce mot d'ordre à des fins d'agitation. Mais c'était un mot d'ordre opportuniste, car il ne tendait pas seulement à farder la démocratie bourgeoise; il marquait encore l'incompréhension de la critique socialiste de tout Etat en général. Nous sommes pour la république démocratique en tant que meilleure forme d'Etat pour le prolétariat en régime capitaliste; mais nous n'avons pas le droit d'oublier que l'esclavage salarié est le lot du peuple, même dans la république bourgeoise la plus démocratique. Ensuite, tout Etat est un "pouvoir spécial de répression" dirigé contre la classe opprimée. Par conséquent, aucun Etat n'est ni libre, ni populaire. Cela, Marx et Engels l'ont maintes fois expliqué à leurs camarades de parti dans les années 70. »
Nous devons nous rappeler qu'après février 1917, le gouvernement bourgeois lui aussi prétendait être "populaire", et masquait ainsi son caractère de classe bourgeoise, et la dictature de la bourgeoisie. Entre février et octobre 1917, Lénine n'a eu de cesse de critiquer ce gouvernement bourgeois, comme ici dans un article du 14 septembre : « Jusqu'à présent, le pouvoir d'Etat, en Russie, reste en réalité aux mains de la bourgeoisie, qui n'est tenue qu'à faire des concessions partielles (qu'elle commence à reprendre dès le lendemain), à distribuer des promesses (qu'elle n'a pas l'intention de tenir), à rechercher les moyens de masquer sa domination (pour berner le peuple par les apparences d'une «coalition loyale»), etc., etc. En paroles, nous avons un gouvernement populaire, démocratique, révolutionnaire ; en réalité, il s'agit d'un gouvernement antipopulaire, antidémocratique, contre-révolutionnaire, bourgeois : telle est la contradiction fondamentale qui a duré jusqu'à présent et a été à l'origine de l'instabilité et des hésitations du pouvoir, de ce «chassé-croisé ministériel» auquel se sont livrés, avec un zèle si désastreux (pour le peuple), MM. les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks. »
d- Les conceptions anti-léninistes du Mao sur la question du parti
L'une des façons d'entretenir la collaboration de classe était d'autoriser l'existence d'autres partis, dans la "dictature du prolétariat" (étrange non ?), ainsi quand on demande à Mao combien de partis étaient autorisés en Chine, il répondait : « Il est préférable d'en avoir plusieurs, à ce qu'il nous semble. Il en a été ainsi dans le passé et il pourra en être de même dans l'avenir. C'est la coexistence à long terme et le contrôle mutuel. » (Mao Tsétoung, Œuvres choisies, Pékin, 1977.)
Oui, ayons confiance dans les partis de la bourgeoisie ! Ce n'est en tout cas pas la conception que Staline se faisait de la dictature du prolétariat, qui ne saurait tolérer d'autres partis : « ...la dictature du prolétariat, ne peut être complète que si elle est dirigée par un parti, le parti des communistes, qui ne partage ni ne doit jamais partager la direction avec d'autres partis. » (J. Staline, Œuvres)
Lénine rappelait que « Les partis qui sont pour la révolution en paroles, mais pratiquement ne travaillent pas sans relâche à ce que le Parti révolutionnaire et lui seul exerce son influence dans les diverses organisations ouvrières de masse, sont des partis de traîtres. »
On ne saurait en effet tolérer la moindre liberté pour la bourgeoisie sous la dictature du prolétariat. Pourtant Mao semblait avoir une vision très libérale de la dictature du prolétariat, c'est à dire une dictature du prolétariat proclamée dans les mots mais qui laissait le champ libre à la bourgeoisie dans les faits.
Au sein-même du parti, Mao entendait qu'il y ait "diverses tendances", des fractions "prolétariennes" et des fractions bourgeoises. Il faudrait qu'il y ait une unité de contraires au sein du parti. Ou comment justifier un parti sans frontière de classe, un parti qui ne soit donc pas le parti du prolétariat... Qui soit donc l'exact inverse de la conception léniniste du parti. Ainsi Mao Tsétoung prônait la nécessité de «deux lignes» dans le parti. Une ligne bourgeoise et une ligne prolétarienne : « On pourra ainsi utiliser les deux mains à l'égard d'un camarade fautif : avec l'une, on le combattra, avec l'autre, on réalisera l'unité avec lui. Le but du combat est de préserver les principes du marxisme, ce qui signifie fermeté sur les principes ; c'est là un aspect du problème. L'autre aspect, c'est de faire l'unité avec lui. L'unité a pour but de lui offrir une issue, de réaliser un compromis avec lui. » (Mao Tsétoung, Œuvres choisies, Pékin, 1977.)
Le mot d'ordre de Mao, « que cent fleurs s'épanouissent et cent écoles rivalisent », signifie qu'il faudrait qu'il y ait une centaine de tendances au sein du parti. C'est pourtant l'inverse de la conception léniniste du parti. Staline disait ainsi : « ..le parti communiste est le parti monolithique du prolétariat et non le parti d'un ensemble d'éléments de diverses classes. » (J. Staline, Œuvres)
Lénine rappelait à quel point l'opportunisme cherchait toujours à réconcilier les contraires, à vouloir à tout prix l'unité de gens opposés, d'embarquer le prolétariat et la bourgeoisie dans le même bateau afin d'empêcher la lutte : « Lorsqu'on parle de la lutte contre l'opportunisme, il ne faut jamais oublier le trait caractéristique de tout l'opportunisme moderne dans tous les domaines : ce qu'il a de vague, d'indécis et d'insaisissable. De par sa nature, l'opportuniste évite toujours de poser les questions d'une manière claire et décisive ; il recherche toujours la résultante, il a des louvoiements de couleuvre entre deux points de vue qui s'excluent, cherchant à « se mettre d'accord » avec l'un et avec l'autre, et réduisant ses divergences à de légères modifications, à des doutes, à des vœux pieux et innocents, etc., etc. »
e- La théorie absurde et mystificatrice de la "bonne" bourgeoisie contre la "mauvaise"
Pour justifier ce projet de collaboration de classe, les maoïstes insistent sur le fait qu'il y aurait paraît-il une "bonne" bourgeoisie et une "mauvaise" bourgeoisie, et qu'il faudrait s'allier à la bonne pour lutter contre la mauvaise. Mais de qui se moque-t-on ?! Il s'agit d'une des théories farfelues du maoïsme destinées une fois de plus à attaquer les fondements-même du marxisme. Il est évident que par "bonne" bourgeoisie, la bourgeoisie chinoise de Mao parlait d'elle-même... Aujourd'hui aussi nos petits et grands bourgeois maoïstes ont adopté ce langage, et entendent ainsi se donner un bon rôle par contraste avec une "mauvaise" bourgeoisie qui n'est qu'un tigre de papier (l'expression est pour le moins adaptée mais homme de paille ou épouvantail l'est également).
Cette thèse n'est pas nouvelle, il s'agit d'une vielle théorie opportuniste que Lénine n'a eu de cesse de combattre. Lénine avait insisté sur le caractère des révisionniste des "socialistes" qui préconisaient des alliances avec la bourgeoisie "progressive" contre la bourgeoisie "réactionnaire", à quel point ce mot d'ordre masquait les préjugés sur la prétendue "démocratie" bourgeoise. Ainsi il écrivait : « En matière politique, le révisionnisme a tenté de reviser en fait le principe fondamental du marxisme : la théorie de la lutte des classes. La liberté politique, la démocratie, le suffrage universel privent de tout terrain la lutte de classe — nous a-t-on affirmé — et démentent le vieux principe du Manifeste du Parti communiste : les ouvriers n’ont pas de patrie. Dès l’instant où, dans la démocratie, c’est la "volonté de la majorité" qui domine, on ne saurait, paraît-il, ni envisager l'Etat comme un organisme de domination de classe, ni refuser les alliances avec la bourgeoisie progressive, social-réformatrice, contre les réactionnaires.
[...]
Il est incontestable que ces objections des révisionnistes se résumaient dans un système de conceptions assez cohérent, savoir : des conceptions bourgeoises libérales connues de longue date. Les libéraux ont toujours prétendu que le parlementarisme bourgeois supprimait les classes et les divisions en classes, puisque tous les citoyens sans distinction bénéficiaient du droit de vote, du droit de participation à la chose publique. Toute l’histoire européenne de la seconde moitié du XIX° siècle, toute l’histoire de la Révolution russe du début du XX° siècle, montrent à l’évidence combien ces conceptions sont absurdes. Avec la liberté du capitalisme "démocratique", les distinctions économiques. loin de se relâcher, s’intensifient et s’aggravent. Le parlementarisme. loin de faire disparaître, dévoile l’essence des républiques bourgeoises les plus démocratiques, comme organes d’oppression de classe. »
A l'époque où la bourgeoisie n'avait pas encore conquis la pouvoir politique dans certains pays à règnait encore l'aristocratie, les socialistes se devaient de soutenir les révolutions bourgeoises contre l'aristocratie. En effet le régime économique par exemple de la France en 1789, était depuis des siècles le capitalisme tandis que le régime politique était encore resté bloqué au règne de l'aristocratie, résidu de l'époque du féodalisme. Marx a insisté sur le fait que la république bourgeoise "démocratique" n'était pas une révolution qui abolissait l'exploitation d'une classe par une autre, elle remplaçait simplement une domination par une autre, la domination de l'ancienne aristocratie par la domination des hommes d'affaire de la bourgeoisie. Mais le régime bourgeois "démocratique" était celui qui est le plus propice au développement du capitalisme, qui lui-même engendre le prolétariat comme classe, et permet donc aussi l'arrivée de l'étape suivante, le socialisme. C'est cet enchaînement que Marx et les socialistes marxistes ont toujours défendu, sans jamais idéaliser la "démocratie" bourgeoise. Ces illusions sont d'autant plus criminelles que s'éloigne l'ère des révolutions bourgeoises et s'annonce celle des révolutions prolétariennes. Continuer d'entretenir les illusions de "démocratie" bourgeoise était à la limite acceptable à l'époque où la bourgeoisie n'avait pas encore renversé l'aristocratie (il y a longtemps maintenant...). A l'heure actuelle, où la question brûlante est celle de la révolution socialiste, entretenir ces illusions est plus qu'une trahision du marxisme, c'est un crime, et ceux qui répandent ces illusions devront un jour rendre des comptes.
Les marxistes ne doivent à aucun moment entretenir des illusions sur la "démocratie" bourgeoise, car le renversement de l'ancien régime par la bourgeoisie ne devait être que le prélude au renversement de la république bourgeoise par le prolétariat. Par exemple, dans son manifeste, Karl Marx écrivait : « C'est vers l'Allemagne que se tourne surtout l'attention des communistes, parce que l'Allemagne se trouve à la veille d'une révolution bourgeoise, parce qu'elle accomplira cette révolution dans des conditions plus avancées de la civilisation européenne et avec un prolétariat infiniment plus développé que l'Angleterre et la France au XVII° et au XVIII° siècle, et que par conséquent, la révolution bourgeoise allemande ne saurait être que le prélude immédiat d'une révolution prolétarienne. »
Que les maoïstes et autres socialistes bourgeois ou petits bourgeois ignorent ces faits est d'autant plus abjecte qu'il n'y a pas à creuser beaucoup pour trouver ces passages dans les textes de Marx ou Lénine ! Les maoïstes ne reculent devant aucune déformation, aussi grossière soit-elle, pour faire passer leur insipide réformisme comme "étape supérieure du marxisme-léninisme" !
Dans anarchisme ou socialisme (en 1907), Staline lui aussi soulignait le double caractère des révolutions bourgeoises et l'attitude des bolcheviques à l'égard de la bourgeoisie dans l'empire Russe où rappelons-le la bourgeoisie et le capitalisme existaient déjà depuis longtemps mais où la bourgeoisie n'avait pas encore conquis la domination politique : « Aujourd'hui, nous réclamons une république démocratique. Pouvons-nous dire que la république démocratique soit bonne à tous égards ou bien à tous égards mauvaise ? Non, nous ne le pouvons pas ! Pourquoi ? Parce que la république démocratique n'est bonne que d'un côté, quand elle détruit le régime féodal ; en revanche, elle est mauvaise d'un autre côté, quand elle consolide le régime bourgeois. Aussi disons-nous : dans la mesure où la république démocratique détruit le régime féodal, elle est bonne, et nous luttons pour elle ; mais dans la mesure où elle consolide le régime bourgeois, elle est mauvaise, et nous luttons contre elle. »
Lénine et les bolcheviques n'ont eu de cesse de démystifier la "démocratie" bourgeoisie. C'est ce point central qui constitue en fait la différence majeure entre les socialistes marxistes et les "socialistes" petits ou grands bourgeois (comme les maoïstes). Ces derniers ne souhaitent pas réellement renverser le capitalisme et la bourgeoisie (d'où leur propension à entretenir des illusions sur le système "démocratique" bourgeois). Ainsi Lénine écrivait : « Des milliers de fois, les socialistes de tous les pays ont expliqué au peuple le caractère de classe de ces révolutions bourgeoises, dans leurs livres, dans leurs brochures, dans les résolutions de leurs congrès, dans leurs discours de propagande. [...] Tous les socialistes en démontrant le caractère de classe de la civilisation bourgeoise, de la démocratie bourgeoise, du parlementarisme bourgeois, ont exprimé cette idée déjà formulée, avec le maximum d'exactitude scientifique par Marx et Engels que la plus démocratique des républiques bourgeoises ne saurait être autre chose qu'une machine à opprimer la classe ouvrière à la merci de la bourgeoisie, la masse des travailleurs à la merci d'une poignée de capitalistes. »
En conclusion, les marxistes n'avaient à soutenir la révolution bourgeoise qu'à l'époque où il existait encore l'ancien régime féodal où aristocratique comme institutions politiques. Ne pas voir (ou feindre de ne pas connaître) la différence entre révolution bourgeoise et révolution socialiste est la plus grande trahison du marxisme de la part des "socialistes" bourgeois, aussi bien avec les opportunistes que combattait Lénine qu'avec maintenant les maoïstes (entre autres). A l'heure actuelle, un tel régime politique de l'aristocratie n'existe plus nulle part dans le monde, et encore moins en France. Partout, le régime économique est celui du capitalisme depuis longtemps, car l'impérialisme a développé en profondeur le capitalisme dans le monde entier. Partout dans le monde, le régime politique est un système bourgeois (compradore ou non). Fut-il le plus "démocratique", il est quoi qu'il arrive une dictature de la bourgeoisie. Autrement dit, c'est peine perdue pour les "socialistes" bourgeois ou petits bourgeois d'inventer des arguments bidons pour faire alliance avec telle ou telle "bonne" bourgeoisie.
Dans leur désespoir de voir leur projet de collaboration de classe tomber à l'eau, nos prétendus "socialistes" remuent ciel et terre pour entretenir les illusions sur la "démocratie" bourgeoise. Ils essayent de faire oublier son caractère de dictature de la bourgeoisie en entretenant les illusions selon laquelle l'état bourgeois serait "au-dessus" des antagonismes de classe. Ils s'évertuent à inventer des menaces "réactionnaires" pour justifier la collaboration de classe : "menace fasciste", "menace écologique", "menace terroriste", ou "retour du féodalisme" (avec l'immigration musulmane, alors que l'islam n'a rien de "féodal" !!).
Ainsi par exemple le fascisme serait "pire" encore que le système actuel. Mais c'est qu'ils ignorent complètement que le système actuel est depuis longtemps déjà une dictature de la bourgeoisie. Quand au symbole du faisceau (d'où provient le mot "fascisme"), il était celui des révolutionnaires français de 1789, le symbole du faisceau (qui symbolisait le pouvoir de la république esclavagiste romaine) a été repris par les république françaises et américaines, etc. bien avant d'avoir été le symbole de... Mussolini et Hitler ! Il n'y a que nos bourgeois petits bourgeois pour trouver (ou plutôt inventer de toute pièce avec la force du désespoir !) des "différences" entre le régime politique actuel et un régime fasciste. Est-ce à dire que nous vivons en France déjà dans un régime politique fasciste depuis la révolution bourgeoise de 1789 ? Exactement ! Toute tentative de faire croire qu'il y aurait d'un côté une "bonne" bourgeoisie "anti-fasciste" (du système "démocratique" actuel) contre une "mauvaise" bourgeoisie fasciste est une pure escroquerie anti-marxiste. N'est-ce pas d'ailleurs ce que la classe dominante elle-même aime raconter sur sa propre histoire, à se donner le bon rôle systématiquement alors qu'ils sont les pires ordures que le monde ait jamais connu ?
Lorsqu'ils entendent cela, nos "socialistes" et maoïstes s'énervent et s'excitent. Ils tiennent à tout prix à leur épouvantail "fasciste" pour justifier la collaboration de classe avec une prétendue bourgeoisie "anti-fasciste". Sauf que, pas de chance, ce n'est pas moi qui le dit, mais Lénine lui-même qui n'a eu de cesse de le répéter. Et par conséquent, s'ils ne sont pas d'accord avec moi, alors ils ne sont pas d'accord avec Lénine, qui ne disait autre : « L'histoire du XIX° siècle et du XX° siècle nous a montré, même avant la guerre, ce qu'était la fameuse démocratie pure sous le régime capitaliste. Les marxistes ont toujours répété que plus la démocratie était développée, plus elle était pure, plus aussi devait être vive, acharnée et impitoyable la lutte des classes, et plus apparaissait purement le joug du capital et la dictature de la bourgeoisie. [...] Ces faits et des milliers d'autres semblables découvrent cette vérité qu'essaye en vain de cacher la bourgeoisie, que c'est précisément dans les républiques les plus démocratiques que règnent en réalité la terreur et la dictature de la bourgeoisie, terreur et dictature qui apparaissent ouvertement chaque fois qu'il semble aux exploiteurs que le pouvoir du capital commence à être ébranlé. »
Bref nos "socialistes" en carton cherchent et fouillent la moindre excuse possible et imaginable pour mystifier la prétendue "démocratie" bourgeoise, pour justifier la soumission du prolétariat à la bourgeoisie dans de grand mouvement "d'unité", "unité nationale", comme au temps où la bourgeoisie se délectait de voir le peuple se laisser embarquer dans le délire "d'unité nationale" en 1914. Ainsi aujourd'hui la manipulation "je suis charlie", le prétendu "anti-fascisme" (qui sont en fait les vrais fascistes et pointent du doigt des gens moins fascistes qu'eux...), les délires écologistes, etc. servent à nouveau à mystifier la "démocratie" bourgeoise et à nous resservir de la collaboration de classe, de la prétendue "réconciliation" autour d'une prétendue "morale" et d'une prétendue "compassion" (concepts tous autant idéalistes et anti-communistes les uns que les autres, à mille années lumières du socialisme scientifique et prolétarien de Marx et Engels).
Voilà pourquoi Staline disait : « Le prolétariat ne pourra arriver au socialisme en se réconciliant avec la bourgeoisie. Il doit absolument engager la lutte, qui doit être une lutte de classe, la lutte de l'ensemble du prolétariat contre toute la bourgeoisie. Ou bien la bourgeoisie avec son capitalisme, ou bien le prolétariat avec son socialisme ! Voilà sur quelle base doit reposer l'action du prolétariat, sa lutte de classe. »
Cela n'exclut pas des alliances tactiques avec d'autres partis. Mais il ne saurait jamais y avoir aucune alliance ni aucune convergence de fond ou de principes avec les partis des autres classes que le prolétariat. C'est précisément parce nos maoïstes ont des intérêts et principes entièrement bourgeois qu'ils réclament que le prolétariat réalise une alliance de principe avec la "bonne" bourgeoisie (c'est à dire s'y soumette). De cela, il ne saurait en être question dans un véritable parti prolétarien, car les intérêts du prolétariat et de la bourgeoisie (petite ou grande) sont les intérêts de deux classes antagonistes et irréconciliables, peu importe les épouvantails que les maoïstes agitent pour réconcilier à tout prix l'irréconciliable. Voilà pourquoi Lénine disait : « L’unité du prolétariat à l’époque de la révolution sociale, ne peut être réalisée que par le parti révolutionnaire extrême, le parti du marxisme, que par une lutte implacable contre tous les autres partis. »
f- Changement de mentalité et réconciliation de classe ("révolution culturelle") ou dictature du prolétariat ?
Dans la question qui touche à la révolution, nous l'avons vu, le maoïsme est très éloigné des fondamentaux du marxisme. Il en va de même en ce qui concerne la question du passage au socialisme. Pour les marxistes, c'est le prolétariat, seule classe ayant intérêt à renverser le capitalisme, qui doit servir d'appui à la construction du socialisme. Dans cette lutte qui l'oppose à la bourgeoisie, le prolétariat ne saurait "convaincre" la bourgeoisie et les réactionnaires qu'ils "ont tort". Seuls les utopistes raisonnent ainsi. Des utopistes tels que Mao par exemple, je cite : « Bien que tous les ultra-réactionnaires au monde soient aujourd'hui des ultra-réactionnaires et qu'ils demeureront tels et demain et après-demain, ils ne peuvent pas le demeurer indéfiniment, ils finiront par changer... Les ultra-réactionnaires sont, fondamentalement, des éléments entêtés, mais non stables... Il arrive que les ultraréactionnaires aussi changent en mieux... qu'ils reconnaissent leurs erreurs et s'engagent dans la juste voie. Bref, les ultra-réactionnaires évoluent. »
Le but des "socialistes" serait d'apaiser les contradictions au sein du peuple par la "rééducation" de la classe ouvrière et de la bourgeoisie afin de les réconcilier. Ainsi Mao disait : "Quand s'édifie une société socialiste, tout le monde a besoin d'être rééduqué, les exploiteurs comme les travailleurs. [...] Certains disent que la bourgeoisie chinoise n'a plus aujourd'hui son double caractère, qu'elle n'a plus qu'un seul caractère. Est-ce vrai ? Non. [...] La rééducation des industriels et des commerçants ne peut s'effectuer à fond que dans le cours de leur travail; ils doivent travailler dans les entreprises aux côtés des ouvriers et des employés, faire des entreprises le terrain même de leur rééducation".
En 1956, Mao exprimait à nouveau sa théorie idéaliste du prétendu "changement de mentalité" des classes exploiteuses : « Mais dans les conditions de notre pays, la majorité [des contre-révolutionnaires] se transformeront à des degrés divers. Etant donné que nous avons adopté une politique juste à [leur] égard beaucoup d'entre eux ont été transformés et ne s'opposent plus à la révolution. Certains ont même rendu quelque service. »
Comme si qu'il suffisait de faire de la propagande envers la bourgeoisie pour qu'elle se modère, "corrige ses erreurs", "fasse son auto-critique" et abandonne ainsi pacifiquement sa domination ! Marx disait pourtant, à l'inverse des théories de "changement de mentalité", que : « Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. »
Engels, comme tous les véritables socialistes, ont parfaitement expliqué que les intérêts des classes antagonistes étaient irréconciliables, et que par conséquent il n'était pas question d'attendre quoi que ce soit d'un quelconque "changement de mentalité" des classes dominantes, sauf à espérer en vain une réforme du capitalisme : « L'une des caractéristiques les plus négatives de la majorité de la fraction parlementaire sociale-démocrate, c'est précisément l'esprit prudhommesque du philistin qui veut convaincre son adversaire au lieu de le combattre : « notre cause n'est-elle pas si noble et si juste » que tout autre petit bourgeois doit inévitablement se joindre à nous à condition seulement qu'il ait bien compris ? Pour en appeler ainsi à l'esprit prudhommesque, il faut méconnaître entièrement les intérêts qui guident cet esprit, voire les ignorer délibérément. C'est ce qui est l'une des caractéristiques essentielles du philistinisme spécifiquement allemand. »
Marx critiquait en ces mots la fausse naïveté des socialistes utopiques :
« Leur propre position sociale les portent à se considérer comme bien au-dessus de tout antagonisme de classes. Ils désirent améliorer les conditions matérielles de la vie pour tous les membres de la société, même les plus privilégiés. Par conséquent, ils ne cessent de faire appel à la société tout entière sans distinction, et même ils s'adressent de préférence à la classe régnante. Car, en vérité, il suffit de comprendre leur système pour reconnaître que c'est le meilleur de tous les plans possibles de la meilleure des sociétés possibles.
[...] ils [...] essayent de frayer un chemin au nouvel évangile social par la force de l'exemple. »
Engels à nouveau, caractérisait la différence entre les moralistes bourgeois utopistes et le socialisme scientifique : « Si, pour croire au bouleversement en marche du mode actuel de répartition des produits du travail..., nous n'avions pas de certitude meilleure que la conscience de l'injustice de ce mode de répartition et la conviction de la victoire finale du droit, nous serions bien mal en point et nous pourrions attendre longtemps. [...] Les forces productives engendrées par le mode de production capitaliste moderne ainsi que le système de répartition des biens qu'il a créé, sont entrées en contradiction flagrante avec ce mode de production lui-même, au point de rendre nécessaire un bouleversement du mode de production et de répartition éliminant toutes les différences de classes, si l'on ne veut pas voir périr toute la société moderne. C'est sur ce fait matériel palpable..., et non dans des idées de tel ou tel théoricien en chambre sur le juste et l'injuste, que se fonde la certitude de la victoire du socialisme moderne. »
Socialisme scientifique que Staline résumait en ces termes : « Les crises industrielles d'aujourd'hui, qui sonnent le glas de la propriété capitaliste et posent de front la question : ou bien le capitalisme, ou bien le socialisme, rendent cette conclusion parfaitement évidente, elles font nettement apparaître le parasitisme des capitalistes et le triomphe inévitable du socialisme. Voilà comment l'histoire justifie encore l'inéluctabilité du socialisme prolétarien de Marx. Ce n'est point sur du sentimentalisme, ni sur une notion abstraite de « justice », ni sur l'amour du prolétariat, mais sur les principes scientifiques rappelés plus haut que repose le socialisme prolétarien. Voilà pourquoi le socialisme prolétarien est aussi appelé « socialisme scientifique ». »
Par conséquent il est impossible de réconcilier des classes aux intérêts contradictoires... et ce n'est de toute façon pas le but du marxisme, mais plutôt le voeu cher de la bourgeoisie qui craint la lutte de classes et ses conséquences, cherche à réconcilier les contraires.
Engels lui aussi expliquait que le fondement de l'ordre social était la production et l'économie, d'où découlaient les idées des hommes, et non l'inverse : « La conception matérialiste de l'histoire part de la thèse que la production, et après la production, l'échange de ses produits, constituent le fondement de tout régime social ; que dans toute société qui apparaît dans l'histoire, la répartition des produits, et, avec elle, l'articulation sociale en classes ou en ordres se règle sur ce qui est produit et sur la façon dont cela est produit ainsi que sur la façon dont on échange les choses produites. En conséquence, ce n'est pas dans la tête des hommes, dans leur compréhension croissante de la vérité et de la justice éternelles, mais dans les modifications du mode de production et d'échange qu'il faut chercher les causes dernières de toutes les modifications sociales et de tous les bouleversements politiques ; il faut les chercher non dans la philosophie, mais dans l'économie de l'époque intéressée. »
C'est pourtant la base du matérialisme !
Bref cette absurde idée de morale universelle "au-dessus" des antagonismes de classe, censée pouvoir convaincre les exploiteurs de "modérer" leur appétit pour la gain au nom d'une "unité nationale" qui profite aux deux classes antagonistes est une vaste farce, et aussi l'exact inverse du marxisme. C'est pourquoi Lénine résumait ainsi la morale communiste, une morale basée sur des intérêts classe : « Notre morale, disait Lénine, est entièrement subordonnée aux intérêts de la lutte de classe du prolétariat. Notre morale a pour point de départ les intérêts de la lutte de classe du prolétariat. [...] Voilà pourquoi nous disons : la moralité considérée en dehors de la société humaine n’existe pas pour nous ; c’est un mensonge. La moralité pour nous est subordonnée aux intérêts de la lutte de classe du prolétariat. [...] Nous disons : est moral ce qui contribue à la destruction de l’ancienne société d’exploiteurs et au rassemblement de tous les travailleurs autour du prolétariat en train de créer la nouvelle société, la société communiste. »
Ce délire de "changement de mentalité" qui masque une tentative de réconciliation de classe se retrouve tout naturellement dans la conception toute particulière de Mao quant à la prétendue dictature du prolétariat qu'aurait été la Chine (selon les slogans maoïstes). Dans les faits Mao préconisait une attitude on ne peut plus laxiste envers la bourgeoisie : « ...aucune exécution, pas d'arrestation dans la plupart des cas... Les services de sécurité publique ne les arrêteront pas, le parquet n'engagera pas de poursuites et le tribunal pas de procès contre eux. Plus de 90 pour cent des contre-révolutionnaires seront traités de cette manière. »
Le maoïsme consiste en une n-ième "troisième voie", qui prétend mener au communisme avec un pays dirigé par la bourgeoisie, donc sans passer par la dictature du prolétariat (car quoi que racontent les maoïstes à ce sujet, ils sont bien incapables d'aller plus loin que le mot lui-même, ils sont incapables d'en décrire le contenu, aussi bien politique, qu'économique ou militaire). La dialectique chinoise de Mao, totalement conservatrice et anti-marxiste, a beau être présentée par les maoïstes commme le stade ultime du marxisme, comme le "nec plus ultra", elle ne sert qu'à justifier en réalité l'idée du réformisme, de la collaboration de classe, derrière lesquels il y a les intérêts de la classe moyenne et non ceux du prolétariat.
g- Les communes populaires, délire réactionnaire petit-bourgeois anti-communiste
La politique de Mao fut une véritable catastrophe, notamment l'application des "communes populaires", sorte de projet réactionnaire qui refuse la grand production au profit d'une petite production de petits capitalistes et petits bourgeois, et la Chine le paye actuellement vu son retard agricole hubuesque. Cette politique traduit les flottements et les hésitations de la direction maoïste, qui était pour un capitalisme mixte (privé et aussi d'état bourgeois) mais en même temps se disait socialiste. Cet espèce de projet démontre les errements de la politique maoïste, l'incompréhension du marxisme et et l'absence de direction prolétarienne dans tous les apsects de la politique chinoise. Les vrais communistes, que ce soit Marx ou Lénine, ont toujours soutenu la centralisation, les méthodes de grande production, la grande industrie, etc. face à la petite production. Dans son livre "Sur l'infantilisme "de gauche" et les idées petites-bourgeoises", Lénine dénonçait déjà avec force les tentatives de faire passer les utopies petites bourgeoises de petite production pour du socialisme, montrant bien la supériorité des méthodes du capitalisme d'état et de la centralisation pour permettre la propriété sociale des moyens de production. Or celle-ci n'est possible qu'en mettant fin à l'éparpillement des forces productives et la petite production en poursuivant la centralisation déjà entamée par le capitalisme. Le projet de petite production est réactionnaire, il veut revenir en arrière dans la marche de l'histoire, il refuse de voir le côté positif de la grande production dans le passage au socialisme. Le prolétariat n'a que faire des illusions petites bourgeoises, mais bien évidemment ce prolétariat n'avait pas son mot à dire en Chine vu ce qu'il représentait en terme de force politique, vu son faible degré développement à cette époque.
h- Le socialisme met-il fin à la contradiction dans la société ? dialectique conservatrice contre dialectique marxiste
Lorsqu'on demande aux """marxistes-léninistes""" maoïstes (c'est à dire aux anti-marxistes de gauche) ce qui les différencie des marxistes-léninistes ("tout court", ceux qui ne sont pas maoïstes donc), il expliquent par exemple que le maoïsme est contre la vision "simpliste" de Lénine (et de Staline) de la révolution, qui serait paraît-il un simple coup d'état. Voilà pourtant la description que Staline faisait de la révolution :
« On ne saurait considérer la révolution socialiste comme une attaque par surprise et de brève durée. C'est une lutte de longue haleine, au cours de laquelle les niasses prolétariennes triomphent de la bourgeoisie et s'emparent de ses positions. Et comme la victoire du prolétariat lui permettra en même temps d'instaurer sa domination sur la bourgeoisie vaincue ; comme, au moment de la collision des classes, la défaite de l'une signifiera la domination de l'autre, le premier stade de la révolution socialiste sera la domination politique du prolétariat sur la bourgeoisie. La dictature socialiste du prolétariat, la prise du pouvoir par le prolétariat, voilà par quoi doit commencer la révolution socialiste. »
J'ai démontré dans mon texte sur la dialectique (voir partie 4, notes sur la différence avec le taoïsme), ainsi que dans ma vidéo, que la dialectique chinoise, donc autant celle du taoïsme que du maoïsme, étaient des dialectiques contraires à la dialectique marxiste, des dialectiques conservatrices voire réactionnaires. Limiter la dialectique à l'unité des contraires signifie tronquer le marxisme. Mao disait par exemple : "Nous autres, Chinois, nous disons souvent : « Les choses s'opposent l'une à l'autre et se complètent l'une l'autre. »"
Si le prolétariat et la bourgeoisie se complètent, alors pourquoi chercher à supprimer la contradiction ? N'est-ce pas là justement le discours de la classe dominante ("chacun a besoin de l'autre, tenons nous la main au lieu de nous battre").
C'est dans les discussions de Mao que se retrouve très clairement ces attaques flagrantes contre le matérialisme dialectique :
« Engels a parlé au sujet des trois catégories, mais en ce qui me concerne je ne crois pas à deux de ces catégories (l'unité des opposés est la loi la plus fondamentale, la transformation de la qualité et de la quantité l'une en l'autre est l'unité des contraires [que sont] qualité et quantité, et la négation de la négation n'existe pas du tout).
La juxtaposition, au même niveau, de la transformation de la qualité et de la quantité l'une en l'autre, la négation de la négation, et la loi de l'unité des opposés est « triplisme », pas le monisme. La chose la plus fondamentale est l'unité des opposés.
La transformation de la qualité et de la quantité l'une en l'autre est l'unité des contraires [que sont] qualité et quantité. Il n'y a pas de telle chose comme la négation de la négation.
Affirmation, négation, affirmation, négation... dans le développement des choses, chaque maillon de la chaîne des événements est à la fois affirmation et négation. »
« Le communisme, disait pourtant Marx, pose le positif comme négation de la négation, il est donc le moment réel de l'émancipation et de la reprise de soi de l'homme, le moment nécessaire pour le développement à venir de l'histoire. Le communisme est la forme nécessaire et le principe énergétique du futur prochain. »
Dans Misère de la philosophie, Marx pointait déjà du doigt ceux qui "divinisent" la contradiction, en font une religion (d'ailleurs le taoïsme/maoïsme, c'est ça, une religion de la contradiction, donc de l'exploitation ! étrange conception du socialisme, non ?)... Ainsi Marx écrivait : « Le petit-bourgeois, dans une société avancée et par nécessité de son état, se fait d'une part socialiste, d'autre part économiste, c'est-à-dire il est ébloui par la magnificence de la haute bourgeoisie et sympathise aux douleurs du peuple. Il est en même temps bourgeois et peuple. Il se vante dans son for intérieur de sa conscience d'être impartial, d'avoir trouvé le juste équilibre, qui a la prétention de se distinguer du juste milieu. Un tel petit-bourgeois divinise la contradiction, car la contradiction est le fond de son être. Il n'est que la contradiction sociale, mise en action. Il doit justifier par la théorie ce qu'il est en pratique. »
Bien loin de limiter sa dialectique à l'unité des contraires, Marx montrait à quel point dire que ce sont deux faces d'un même tout [prolétariat et bourgeoisie] ne suffit pas : « Le prolétariat et la richesse sont des contraires. Comme tels, ils constituent une totalité. Ils sont tous deux des formations du monde de la propriété privée. La question est de savoir quelle place déterminée chacun d'eux occupe dans cette contradiction. Dire que ce sont deux faces d'un tout ne suffit pas. La propriété privée en tant que propriété privée, en tant que richesse, est forcée de perpétuer sa propre existence ; et par là même celle de son contraire, le prolétariat. La propriété privée qui a trouvé sa satisfaction en soi-même est le côté positif de la contradiction. Inversement, le prolétariat est forcé, en tant que prolétariat, de s'abolir lui-même et du coup d'abolir son contraire dont il dépend, qui fait de lui le prolétariat : la propriété privée. Il est le côté négatif de la contradiction, l'inquiétude au cœur de la contradiction, la propriété privée dissoute et se dissolvant. La classe possédante et la classe prolétaire représentent la même aliénation humaine. Mais la première se sent à son aise dans cette aliénation ; elle y trouve une confirmation, elle reconnaît dans cette aliénation de soi sa propre puissance, et possède en elle l'apparence d'une existence humaine ; la seconde se sent anéantie dans cette aliénation, y voit son impuissance et la réalité d'une existence inhumaine. Elle est, pour employer une expression de Hegel, dans l'avilissement, la révolte contre cet avilissement, révolte à laquelle la pousse nécessairement la contradiction qui oppose sa nature humaine à sa situation dans la vie, qui constitue la négation franche, catégorique, totale de cette nature. Au sein de cette contradiction, le propriétaire privé est donc le parti conservateur, le prolétaire le parti destructeur. Du premier émane l'action qui maintient la contradiction, du second l'action qui l'anéantit. »
Appliquée à la société, la dialectique de Marx est donc simple. Il existe dans la société une contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie, la bourgeoisie exploite le prolétariat (contradiction). Dans cette contradiction, la bourgeoisie doit sans cesse créer le prolétariat (ses esclaves) pour survivre, alors qu'au contraire le prolétariat doit s'abolir lui-même en tant que prolétariat et détruire également la bourgeoisie. La bourgeoisie est donc conservatrice et le prolétariat destructeur. De cette contradiction naît un mouvement, mais pas n'importe quel mouvement, une lutte des classes qui mène inévitablement à la suppression de la contradiction par l'anéantissement de l'exploitation d'une classe par une autre. Après quoi, une fois le socialisme vainqueur à l'échelle mondiale, la lutte des classes prendra fin, seulement à ce moment là. Il ne suffit pas de reconnaître la lutte des classes et l'unité des contraires, Warren Buffet, le milliardaire admet lui aussi l'existence de la lutte des classes, et il n'est pas marxiste pour autant... C'est pourquoi Lénine disait « Il est souvent dit et écrit que le point principal dans la théorie de Marx est la lutte des classes. Mais c'est faux. Et cette fausse notion aboutit très souvent à une altération opportuniste du marxisme et sa falsification dans un esprit acceptable pour la bourgeoisie. Quant à la théorie de la lutte des classes elle n'a pas été créé par Marx, mais par la bourgeoisie avant Marx et, en général, c'est acceptable pour la bourgeoisie. Ceux qui reconnaissent seulement la lutte des classes ne sont pas encore des marxistes ; ils peuvent toujours se trouver encore dans les limites de la pensée et de la politique bourgeoise. Limiter le marxisme à la théorie de la lutte des classes signifie tronquer le marxisme, le déformant, le réduisant à quelque chose acceptable pour la bourgeoisie. Seulement est marxiste celui qui prolonge l'identification de la lutte des classes à l'identification de la dictature du prolétariat. C'est ce qui constitue la distinction la plus profonde entre le Marxiste et l'ordinaire petit (aussi bien que grand) bourgeois. C'est la pierre de touche sur laquelle la compréhension réelle et l'identification de marxisme doit être évaluée. »
Marx lui-même ne disait autre chose : « En ce qui me concerne, ce n'est pas à moi que revient le mérite d'avoir découvert ni l'existence des classes dans la société moderne, ni leur lutte entre elles. Longtemps avant moi, des historiens bourgeois avaient décrit le développement historique de cette lutte des classes et des économistes bourgeois en avaient exprimé l'anatomie économique. Ce que je fis de nouveau, ce fut : 1° de démontrer que l'existence des classes n'est liée qu'à des phases de développement historique déterminé de la production ; 2° que la lutte des classes conduit nécessairement à la dictature du prolétariat; 3° que cette dictature elle-même ne constitue que la transition à l'abolition de toutes les classes et à une société sans classes... »
Ce que les marxistes appellent "contradiction" dans la société, c'est l'exploitation d'une classe par autre. Donc le socialisme met bien fin à la contradiction dans la société (au début dans un seul pays), bien que la lutte des classes continue (et même soit encore plus forte). C'est ce que refusent d'amettre les maoïstes (la phrase de Mao : "sans contradictions, pas d'univers", signifie en fait que sans classe exploiteuse, pas d'univers, pas de société, drôle de conception du marxisme, non ?). Bien sur la fin de la contradiction ne signifie nullement la fin de la lutte de classes. Bien au contraire. La période qui sépare le capitalisme du communisme, à savoir la dictature du prolétariat, est justement cette période de lutte de classe acharnée aussi bien à l'intérieur du pays socialiste qu'à l'extérieur (les deux étant bien sur liés). Il n'y a plus de classe exploiteuse mais les anciennes classes exploiteuses, aidées des pays capitalistes tout autour continuent de faire peser un danger sur le pouvoir des soviets. Voilà le point de vue marxiste conséquent. Le socialisme, c'est la fin de la contradiction, la fin de l'exploitation d'une classe par une autre, mais pas la fin de la lutte des classes.
Or ce n'est pas du tout ce que racontent les maoïstes, pour qui le socialisme signifie un système en fait où le capitalisme existe encore, où la bourgeoisie reste la classe dominante, où subsiste la propriété privée des moyens de production, et où donc la contradiction existe toujours (drôle de conception du socialisme). Vu comme ça, on comprend que les maoïstes rejettent en fait (même s'ils prétendent le contraire) l'expérience soviétique à l'époque de Staline.
Quelle est la signification de ces déformations évidentes du marxisme par Mao ? Cela rejoint précisément ce dont je parlais juste avant, à savoir la révolution. En effet les maoïstes se vantent d'être le "nec plus ultra" des "masses" qui doivent intervenir dans la révolution après la révolution, sous forme "d'autres révolutions". Ce que les maoïstes justifient par le fait que l'instauration du socialisme n'abolit pas réellement la contradiction au sein de la société, et qu'il faudrait donc ainsi faire intervenir régulièrement les masses par la suite. Bien sur ces explications sont complètement bidons et masquent la véritable signification de cette vision du monde. J'avais expliqué dans ma vidéo à quel point la dialectique chinoise de Mao était une dialectique conservatrice, à quel point comme toutes les révolutions bourgeoises, celle-ci était révolutionnaire avant la révolution et réclamait la fin de la révolution une fois la bourgeoisie au pouvoir. Cela peut sembler paradoxal avec ce que prétendent vouloir les maoïstes (pleins de révolutions après la révolutions). Or il n'en est rien, car de toutes ces "révolutions" (dans les faits), la seule véritable est la première (révolution bourgeoise de 1949, soit disant "socialiste"), tandis que l'autre (la "révolution culturelle" à partir de 1966) n'était qu'une lutte interne à la bourgeoisie chinoise entre des fractions anti-marxistes de part et d'autre. Il s'agissait de révolutions de palais, appuyées en partie (soit-disant) par des "masses prolétarienes" (en fait des étudiants de la classe moyenne), mais menées en réalité par l'armée (et non le parti, étrange conception de la révolution).
De toute façon cette "révolution culturelle" ne changea rien de significatif puisqu'avant comme après nous avions toujours en Chine un pouvoir bourgeois et une classe exploiteuse à la tête de la société. Quant à la classe ouvrière chinoise à cette époque, elle subissait autant les "révisionnistes" du "quartier général" que les milices de "gardes rouges" de Mao, à savoir des adolescents étudiants essentiellement de la classe moyenne, chargés de tuer les adversaires de Mao (des anti-marxistes certes mais, tout comme Mao), et qui servirent également à massacrer des ouvriers révoltés dans plusieurs villes. Et comment furent récompensés les "gardes rouges" ? Pour s'en débarasser, Mao les envoya dans les champs par millions... Au final, c'est sur l'armée que s'appuyait Mao durant tout son règne, malgré tous les slogans comme "le parti commande au fusil". Dans les faits c'était tout le contraire (comme d'habitude, les slogans maoïstes sont vides de sens et très éloignés de la réalité). Après la "révolution culturelle", au fond rien n'était changé, il n'y avait donc ni révolution, ni abolition de l'esclavage salarié, ni quoi que ce soit. Une fois ce petit manège terminé, ces "ennemis" et "révisionnistes" furent d'ailleurs réintégrés sans problème, ainsi Deng Xiaoping, le soit-disant ennemi de Mao fut protégé par Mao. Soit-disant pour préserver les "deux lignes" dans le parti (non mais sérieusement de qui se moque-t-on ?). J'ai déjà d'aileurs déjà démontré auparavant à quel point cette théorie des "deux lignes" était totalement étrangère et hostile à la conception léniniste du parti.
Pour justifier que la contradiction ne s'arrête jamais, nos maoïstes confondent volontairement la division du travail et l'exploitation d'une classe par une autre. Ainsi il y aurait une contradiction entre l'état prolétarien et le prolétariat, entre le parti et le peuple, entre la ville et la campagne, entre les travailleurs manuels et intellectuels, entre les ouvriers les paysans (rappel, le symbole de l'URSS était la faucille et le marteau, et non pas la faucille contre le marteau). Le socialisme abolit l'exploitation d'une classe par un autre, à ce stade la contradiction (l'exploitation d'une classe par une autre) a disparu. La division du travail elle, c'est à dire les différences (de travail), continuent d'exister, mais elles ne constituent nullement une contradiction. Le passage du socialisme au communisme signifie la fin de cette division du travail, mais le communisme n'est nullement une négation du socialisme (sauf pour nos maoïstes pour qui le "socialisme" est un système en fait entièrement bourgeois, ce qu'ils entendent précisément faire accepter comme projet "socialiste").
Bien sur il existe une contradiction entre la ville et la campagne, sous le capitalisme seuleument. La contradiction ville-campagne signifie l'exploitation des paysans par la bourgeoisie des villes. Il va de soi que le socialisme abolit cette contradiction puisqu'il abolit toute forme d'exploitation d'une classe par une autre. Bien sur cela ne signifie pas que la distinction ville-campagne cesse, mais une distinction (la division du travail) n'est pas une "contradiction". N'ont pas compris la théorie du socialisme de Marx ceux qui confondent l'exploitation d'une classe par une autre (contradiction), et la division du travail. Le socialisme abolit la première, et le communisme (la phase haute), abolit progressivement la seconde. Entre ces deux étapes, il n'y a qu'une différence de degré mais non de nature (ce sont les deux phases d'une même société), dès la première phase, toute trace d'exploitation (donc de contradiction) a déjà disparu.
Dans les problèmes économiques du socialisme, Staline expliquait ainsi :
« Il est certain qu'avec l'abolition du capitalisme et du système d'exploitation, avec le renforcement du régime socialiste dans notre pays, devait disparaître l'opposition des intérêts entre la ville et la campagne, entre l'industrie et l'agriculture. C'est ce qui advint. L'aide efficace apportée à notre paysannerie par la ville socialiste, par notre classe ouvrière, pour liquider les grands propriétaires fonciers et les koulaks, a consolidé le terrain en vue de l'alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie ; d'autre part, l'approvisionnement systématique de la paysannerie et de ses kolkhozes en tracteurs et machines de premier ordre a fait que l'alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie s'est transformée en amitié entre elles. Sans doute, les ouvriers et la paysannerie kolkhozienne forment cependant deux classes qui se distinguent l'une de l'autre par leur situation respective. Mais cette distinction n'affaiblit en aucune manière leur amitié. Au contraire, leurs intérêts se situent sur le même plan, celui de la consolidation du régime socialiste et de la victoire du communisme. Il n'est donc pas étonnant qu'il ne reste plus trace de la méfiance d'autrefois et, à plus forte raison, de la haine de la campagne pour la ville.
Tout cela signifie que le terrain propice à l'opposition entre la ville et la campagne, entre l'industrie et l'agriculture est d'ores et déjà liquidé par notre régime socialiste actuel.
[...]
On comprend qu'avec l'abolition du capitalisme et du système d'exploitation devait disparaître l'opposition des intérêts entre le travail manuel et le travail intellectuel. Elle a effectivement disparu sous notre régime socialiste. Maintenant, travailleurs manuels et personnel dirigeant ne sont pas des ennemis, mais des camarades et des amis, membres d'une seule collectivité de producteurs, vivement intéressés au progrès et à l'amélioration de la production. De l'ancienne animosité, il ne reste plus trace. »
Pour Staline, la question de la suppression des différences et des distinctions essentielles, c'est à dire de la divisions du travail, sont une autre question, qui concerne le passage à la seconde phase de la société communiste. Une fois l'exploitation capitaliste abolie, la société peut graduellement abolir les différences essentielles de travail, par exemple en élevant les ouvriers au niveau intellectuel des techniciens et ingénieurs (et non en envoyant ces derniers dans les champs...) : « Le problème de la disparition des différences entre la ville (l'industrie) et la campagne (l'agriculture), entre le travail intellectuel et le travail manuel, revêt un tout autre caractère.
[...]
Si l'on considère, par exemple, la différence entre l'agriculture et l'industrie, elle consiste chez nous non seulement en ce que les conditions de travail dans l'agriculture diffèrent des conditions de travail dans l'industrie, mais avant tout et principalement en ce que dans notre industrie les moyens de production et les objets produits appartiennent au peuple, tandis que dans l'agriculture la propriété n'est pas celle du peuple entier mais celle d'un groupe, du kolkhoze. Ce fait, on l'a déjà dit, aboutit au maintien de la circulation des marchandises, et ce n'est qu'avec la disparition de cette différence entre l'industrie et l'agriculture que peut disparaître la production marchande avec toutes les conséquences qui en découlent. Par conséquent, on ne peut nier que la disparition de cette différence essentielle entre l'agriculture et l'industrie doive avoir pour nous une importance de premier plan.
Il faut en dire autant de la suppression de la différence essentielle entre le travail intellectuel et le travail manuel. Ce problème a également pour nous une importance primordiale. Avant que l'émulation socialiste de masse ait pris de l'ampleur, notre industrie montait en grinçant, et nombre de camarades préconisaient même des rythmes ralentis du développement industriel. Cela s'explique surtout par le fait que le niveau culturel et technique des ouvriers était trop bas et retardait de beaucoup sur le niveau du personnel technique. Les choses ont pourtant changé radicalement depuis que l'émulation socialiste a pris chez nous un caractère de masse. Dès lors, l'industrie a fait des progrès rapides. Pourquoi l'émulation socialiste a-t-elle pris un caractère de masse ?
Parce qu'il s'est trouvé parmi les ouvriers des groupes de camarades qui, non seulement s'étaient assimilé un minimum de connaissances techniques, mais sont allés au delà et ont atteint le niveau du personnel technique ; ils ont commencé à corriger les techniciens et les ingénieurs, à renverser les normes existantes comme périmées, à introduire des normes nouvelles, plus modernes, etc. Que serait-il advenu si, au lieu de groupes d'ouvriers, la majorité des ouvriers avaient élevé leur niveau culturel et technique jusqu'au niveau des ingénieurs et des techniciens ? Notre industrie aurait été portée à une hauteur inaccessible pour l'industrie des autres pays. On ne doit donc pas nier que la suppression de la différence essentielle entre le travail intellectuel et le travail manuel, en élevant le niveau culturel et technique des ouvriers au niveau du personnel technique, ne peut pas ne pas avoir pour nous une importance de premier plan. »
En URSS par exemple, il n'y avait plus de classes exploiteuses et donc pas non plus la moindre contradiction entre paysans, ouvriers et intellectuels, entre l'état, le parti, le peuple, etc. La seule question était d'empêcher la restauration du capitalisme par l'action des anciennes classes exploiteuses (soutenues de l'étranger). C'est cette lutte de classe, bien réelle, que Staline justifait ainsi en 1937, au moment des fameuses purges : « Il faut démolir et rejeter loin de nous la théorie pourrie selon laquelle, à chaque pas que nous faisons en avant, la lutte de classe, chez nous, devrait, prétend-on s'éteindre de plus en plus ; qu'au fur et à mesure de nos succès, l'ennemi de classe s'apprivoiserait de plus en plus. C'est non seulement une théorie pourrie, mais une théorie dangereuse, car elle assoupit nos hommes, elle les fait tomber au piège et permet à l'ennemi de classe de se reprendre, pour la lutte contre le pouvoir des Soviets. [...] Au contraire, plus nous avancerons, plus nous remporterons de succès et plus la fureur des débris des classes exploiteuses en déroute sera grande, plus ils recourront vite aux formes de lutte plus aiguës, plus ils nuiront à l'Etat soviétique, plus ils se raccrocheront aux procédés de lutte les plus désespérés, comme au dernier recours d'hommes voués à leur perte. »
Au contraire le maoïsme prétend que la contradiction existe toujours sous le socialisme. C'est une façon de justifier la "voie chinoise du socialisme", un "socialisme" bien particulier, c'est à dire un "socialisme" qui est prolétarien dans les mots mais une dictature de la bourgeoisie dans les faits.
Bref il ne faut pas confondre la contradiction dans la société (exploitation), et la lutte des classes. La lutte des classes continuera et même s'aggravera après la fin de la contradiction dans la société, précisément parce que les anciennes classes exploiteuses ne se laisseront pas vaincre si facilement, ni dans un pays, ni à l'échelle mondiale. Il n'y a pas lieu d'invoquer "les masses" pour faire irruption dans cette lutte étant donné que sous le socialisme, ce sont les masses qui, précisément, contrôlent l'état, l'économie, la politique (droit de révocation des élus et des fonctionnaire, vraie démocratie), etc. C'est précisément parce qu'un tel système était absent en Chine maoïste que Mao pouvait se targuer de s'appuyer sur l'irruption des masses (dans les luttes internes de la bourgeoisie). Si elles étaient obligées de faire irruption, c'est donc bien qu'elles n'étaient pas au pouvoir et qu'elles étaient simplement manipulées, embarquées par une partie de la bourgeoisie contre une autre ("front" de collaboration de classe, la bourgeoisie présente son intérêt comme étant l'intérêt de toutes les classes).
Au contraire des maoïstes, les véritables marxistes réclament le pouvoir total des masses prolétariennes avec l'instauration de la dictature du prolétariat, aussi bien sur l'économie (propriété sociale), que sur l'état, la politique, etc. "Tout le pouvoir aux soviets", disait Lénine, et on sait que ce mot d'ordre était destiné à critiquer ceux qui souhaitaient faire cohabiter un pouvoir des soviets avec un pouvoir bourgeois (les gauchistes), souhaitant simplement faire un coup de barre à gauche mais ne jamais renverser réellement la bourgeoisie, bref du réformisme. Ce voeu pieux petit bourgeois est évidemment l'exact inverse du marxisme.
La véritable théorie des maoïstes, la voici. Ce qu'ils proposent est en fait un projet de collaboration de classe (bien masqué derrière des concepts de "guerre populaire" et de "front populaire"). Ils prétendent ensuite que la bourgeoisie pourrait arriver au communisme. Dans leur vision du monde cyclique d'éternel retour, la contradiction ne disparaît jamais (la loi la plus fondamentale selon Mao, l'unité des contraires donc, est d'ailleurs bien symbolisée par le ying et le yang dans le taoïsme, symbole d'équilibre, de complémentarité et de renversements cycliques, on est loin du marxisme !). Pour les maoïstes donc, il n'y a pas besoin de la dictature du prolétariat (sauf dans les mots pour faire genre). La collaboration de classe suffirait. Dans leur vision du socialisme, le monde serait un cycle donc, et à chaque cycle il y aurait une période bonne (où ils gagnent) et une période mauvaise (les heures sombres). Il suffirait alors de profiter des bonnes saisons pour mettre un coup de barre "à gauche", tandis qu'il faudrait serrer les dents pendant les mauvaises saisons en soutenant la "bonne" bourgeoisie contre la "mauvaise".
Il faudrait donc selon Mao, toujours redémarrer une lutte des classes par en haut, de façon cyclique, afin qu'à chaque fois où la "bonne" bourgeoisie se trouve en difficulté, elle puisse s'appuyer sur les prétendues "masses" afin de rester au pouvoir. Quand ? Laissons-le répondre : « Il faudra «allumer le feu» périodiquement. Comment s'y prendre à l'avenir ? D'après vous, devrait-on le faire une fois par an ou tous les trois ans ? Je pense qu'on doit le faire au moins deux fois chaque quinquennat, tout comme le mois intercalaire du calendrier luni-solaire revient une fois tous les trois ans ou deux fois tous les cinq ans. » (Mao Tsétoung, Œuvres choisies, Pékin, 1977.)
L'astrologie et les calendriers luni-solaires... le voilà le "troisième stade du marxisme-léninisme" ! Quelle brillante avancée du matérialisme dialectique !
De cycles en cycles, le "changement de mentalité" ("révolution culturelle", concept idéaliste), amènerait l'humanité vers toujours plus d'altruisme et de compassion (autres concepts idéalistes). Il faudrait révolutionner toujours plus les mentalités afin que de cycles en cycles la collaboration de classe entre tous les "progressistes" et gens "de gauche" amène finalement au communisme (qui croyez-moi, à ce stade, n'est pas différent du petit sapin qui sent bon dans les voitures).
Le délire maoïste fait peser tout le poids de la révolution sur la "morale" de ses chefs, et sur une ascèse individuelle (un style de vie), alors qu'au contraire le marxistes basent leur vision de la politique sur la lutte des intérêts contradictoires dans la société, sur une compréhension scientifique de l'être humain. Les maoïstes n'ont d'autre choix que de verser dans le délire religieux pour rendre confus le sujet de la dialectique (évidemment central), dont ils prétendent bien sur qu'ils sont les seuls à avoir compris. Puissent ces illuminés éviter de salir encore le marxisme, qui est mille lieu de leur secte du soleil, de leur vaudou mystique et incompréhensible, destiné à démolir en fait le marxisme. Je ne rentre même pas dans les détails sur la théorie selon laquelle il y aurait une "contradiction interne dans chaque chose" (hein!??). Par "contradiction interne", le marxisme entend simplement "interne à l'univers" (et non à chaque chose), c'est dans l'univers lui-même qu'il faut trouver les causes et l'explication du monde, non à l'extérieur (par exemple dans l'idée de dieu), c'est à dire qu'en fait justement il n'y a rien "d'extérieur" à l'univers.
Déjà à son époque, Marx mettait en garde ses contemporains sur les possibles déformations de sa dialectique. Ainsi il notait : « Sous son aspect mystique, la dialectique devint une mode en Allemagne, parce qu'elle semblait glorifier les choses existantes. Sous son aspect rationnel, elle est un scandale et une abomination pour les classes dirigeantes, et leurs idéologues doctrinaires, parce que dans la conception positive des choses existantes, elle inclut du même coup l'intelligence de leur négation fatale, de leur destruction nécessaire; parce que saisissant le mouvement même, dont toute forme faite n'est qu'une configuration transitoire, rien ne saurait lui imposer; qu'elle est essentiellement critique et révolutionnaire. »
Qu'on prenne tous les sujets, les maoïstes sont sans cesse ceux qui font l'apologie du monde existant, pleurant la destruction de la "planète" (qui pourtant appartient à la bourgeoisie et non à nous), la destruction (pourtant inévitable) des "acquis sociaux"(-impérialistes), de la "culture". C'est bien sur la bourgeoisie qui est le parti conservateur, La culture dont il déplore la perte n'est pour l'immense majorité qu'un dressage qui en fait des machines., remarquait Marx.
Même dans la partie la plus "destructrice" du règne maoïste (la prétendue "révolution" "cutlturelle") n'avait rien d'une révolution et n'avait rien de culturelle non plus, elle était une lutte entre deux fractions anti-marxistes (Mao et ses adversaires au sein du P"C"C). Les quelques destructions touchaient en fait à la forme et non au fond (par destruction, le marxisme entend détruire l'exploitation d'une classe par une autre et n'a que faire de détruire des temples bouddhistes...). Comme toujours, changer la forme pour que le fond reste le même, typiquement une arnaque bourgeoise.
Marx n'aurait sans doute donc pas été maoïste... Ce bon vieux Karl, lui qui critiquait alors le "socialisme conservateur ou bourgeois", le faisait en ces mots : "Une partie de la bourgeoisie cherche à porter remède aux anomalies sociales, afin de consolider la société bourgeoise.
Dans cette catégorie, se rangent les économistes, les philanthropes, les humanitaires, les gens qui s'occupent d'améliorer le sort de la classe ouvrière, d'organiser la bienfaisance, de protéger les animaux, de fonder des sociétés de tempérance, bref, les réformateurs en chambre de tout acabit. Et l'on est allé jusqu'à élaborer ce socialisme bourgeois en systèmes complets.
[...]
Les socialistes bourgeois veulent les conditions de vie de la société moderne sans les luttes et les dangers qui en découlent fatalement. Ils veulent la société actuelle, mais expurgée des éléments qui la révolutionnent et la dissolvent. Ils veulent la bourgeoisie sans le prolétariat. La bourgeoisie; comme de juste, se représente le monde où elle domine comme le meilleur des mondes. Le socialisme bourgeois systématise plus ou moins à fond cette représentation consolante. Lorsqu'il somme le prolétariat de réaliser ses systèmes et d'entrer dans la nouvelle Jérusalem, il ne fait que l'inviter, au fond, à s'en tenir à la société actuelle, mais à se débarrasser de la conception haineuse qu'il s'en fait."
Bref, abandonnez votre haine contre cette société, vils gueux ! La "bonne" bourgeoisie de gauche et progressiste se charge du "communisme" pour vous ! Inclinez-vous devant les preux héros qui "servent le peuple" par amour du prochain et compassion pour les esclaves, qui viendront adoucir vos peines en équilibrant la dure exploitation par quelques améliorations. Cessez donc de vous révolter bandes de beaufs fascistes racistes et tenez-vous la main pour sauver la "planète", la culture, les "acquis sociaux" et l'ordre social tout entier !
i- Révisionnismes maoïstes et khrouchtchéviens main dans la main contre Staline
Sur les relations avec Staline, il faut comprendre que l'URSS avait besoin de l'allié chinois. Ce n'est pas par idéologie que l'alliance s'est faite. De fait, Staline s'était bien allié à Tchang Kai Chek (les nationalistes chinois) pendant les années 1930. L'alliance avec Mao était du même ordre. De son côté Mao avait aussi besoin du soutien soviétique pour imposer sa légitimité et surtout pour le soutien économique, diplomatique, militaire, etc. En public donc, toute critique contre Mao était interdite en URSS, et presque tous les manuels et toutes les déclarations publiques étaient grossièrement corrigées pour ne pas froisser les chinois. Cela n'empêche pas que dès la victoire de Mao en 1949, le P"C"C fut critiqué ouvertement par le Komintern pour ses évidentes déviations vis à vis du marxisme-léninisme.
Mao commentait ainsi ses premières tensions avec l'URSS de Staline : « Quand nous eûmes gagné la guerre Staline soupçonna que c'était là une victoire du genre de celle de Tito et, en 1949 et 1950, il exerça sur nous une très forte pression. »
Le premier ministre de Mao, Zhou En-laï, relatait des faits similaires : « Staline nous soupçonnait de pencher pour les Américains ou de vouloir suivre la voie yougoslave. »
Il se trouve que les craintes de Staline étaient parfaitement justifiées. Tito, dirigeant de la yougoslavie révisionniste, reconnut lui-même lors d'un discours que Mao l'avait tacitement soutenu contre Staline : « J'ai été invité en Chine du vivant de Mao Tsétoung. Lors de la visite du président de la Vécé fédérale exécutive, Djémal Biyédic, Mao Tsétoung lui a exprimé, à l'époque, son désir que je me rende en visite en Chine. Le président Houa Kouo-feng aussi m'a confié que Mao Tsétoung avait dit il y a cinq ans qu'il devait m'inviter en Chine, en soulignant qu'en 1948 aussi la Yougoslavie avait eu raison, ce que lui-même (Mao Tsétoung) avait déclaré entre intimes, à cette époque déjà. Mais, compte tenu de l'état des relations entre la Chine et l'Union soviétique à ce moment, cela n'a pas été rendu public. »
Ce n'est qu'en 1962, plusieurs années après la dissolution du Komintern (la IIIème internationale communiste) et du Kominform que Mao raconta quel mépris il avait pour le Komintern et les critiques qui lui étaient adressées par ce même Komintern : « La Chine en tant que monde objectif a été connue par les Chinois et non pas par les camarades du Komintern qui s'occupaient de la question chinoise. Ces camarades du Komintern ne connaissaient pas ou connaissaient peu la société, la nation et la révolution chinoises. Pourquoi donc devrait-on parler ici de ces camarades étrangers ? »
Avant la mort de Staline, Mao avait donc une attitude tout à fait hypocrite vis à vis de l'URSS. Pour satisfaire au Komintern et bénéficier d'une plus grande notoriété internationale, Mao insista sur son marxisme-léninisme sorti d'on ne sait-où, tentative maladroite de faire coïncider l'idéalisme de la pensée chinoise mystique et taoïste avec le marxisme-léninisme. Le nec plus ultra du marxisme selon les maoïstes... Le nec plus ultra du révisionnisme pour les gens honnêtes. En privé, les intellectuels soviétiques ne mâchaient pas leurs critiques contre Mao, et Mao de son côté, écrivit aussi des textes très violents contre la politique de Staline. Dans son livre "Les problèmes économiques du socialisme", Staline critique sans le nommer Mao et sa théorie révisionniste sur la politique agricole. Ce à quoi Mao répondit plus tard en soutenant la politique de privatisation agricole de Khrouchtchev, assez mao-compatible, mais souvenir vite effacé par les tenants du maoïsme. En effet la rivalité sino-soviétique était décrite par la Chine de Mao comme une lutte entre le maoïsme (soit disant marxiste) contre le révisionniste khrouchtchévien. Dans les faits, il s'agissait d'une lutte entre le révisionnisme chinois et le révisionnisme soviétique, ou dit autrement entre deux puissances capitalistes qui bataillaient pour le soutien du mouvement "communiste" mondial, en Europe et en Amérique.
Ainsi on peut lire ici Mao attaquant violemment la politique socialiste de Staline (qui elle était, contrairement à ce que dit Mao, la politique juste) : "En Chine, dans le secteur de l'agriculture, bon nombre de moyens de productions doivent encore être considérés comme des marchandises. A mon avis, la dernière des trois lettres de Staline, placées en annexes de son livre exprime un point de vue presque totalement erroné. On y distingue une grande méfiance à l'égard des paysans, ainsi que la volonté de ne pas relâcher le contrôle sur les machines agricoles. D'un côté, Staline dit que les moyens de production appartiennent à l'Etat, tandis que de l'autre, il affirme que ceux-ci sont trop chers pour les paysans. En réalité, il se trompe lui-même. L'Etat exerce un contrôle asphyxiant sur les paysans et Staline n'a pas trouvé la bonne méthode et la bonne voie qui mène du capitalisme au socialisme et du socialisme au communisme. Pour lui, c'est une chose très embarassante.
[...]
La sphère d'action de la production marchande n'est pas limitée aux articles de connsommation personnelle. Certains moyens de production appartiennent aussi à la catégorie des marchandises. Si l'on considère les produits agricoles comme des marchandises. [...]
En Chine nous devons nous seulement fournir des produits de consommation, mais aussi les moyens de production destinés à l'agriculture. Staline, lui, ne voulait pas vendre les moyens de production aux paysans. C'est Khrouchtchev qui a modifié cette politique."
C'est ici on ne peut plus clair, Mao attaque le concept-même de propriété sociale des moyens de production et se fait défenseur du concept de propriété privée des moyens de production. Précisément, les marxistes considèrent que les moyens de producion ne doivent pas être "une marchandise comme les autres", ni même une marchandise tout court. Les moyens de production ne doivent pas appartenir à quelques personnes, s'acheter ou se vendre, mais être la propriété et le bien de tout le peuple. Tel est le fondement économique de la première étape du communisme (socialisme).
Donc c'est Staline qui appliquait le véritable socialisme, à savoir la socialisation des moyens de production et non la propriété privée des moyens de production, telle que Mao et Khrouchtchev la menaient. On comprend dans ce contexte à quel point l'attitude de Mao envers les révisionnistes soviétiques était totalement hypocrite. La critique du maoïsme contre les khrouchtchéviens n'avait aucun fond idéologique. Elle se limitait à des revendications territoriales, à de simples slogans. Et alors-même que la Chine maoïste était censée être à deux doigts de la guerre avec l'URSS révisionniste, dans les faits la position chinoise était on ne peut plus floue à l'égard du pouvoir révisionniste en URSS, fluctuant d'une opposition affichée à un soutien tacite, puis à nouveau à une opposition. Les maoïstes n'ont produit aucune analyse du révisionnisme soviétique, aucune analyse de sa nature, de ses causes et de son contenu. Et pour cause, le révisionnisme chinois de Mao était au fond à peu près du même cru que celui qui règnait en URSS... A savoir un pouvoir entièrement bourgeois d'une classe exploiteuse mais avec un drapeau rouge en guise de symbole, seule trace de "socialisme"...
Mao lui-même reconnaissait sa plus grande proximité avec Khrouchtchev qu'avec Staline : « Quand je suis venu chez Staline, je me suis senti comme un élève devant son maître, alors que maintenant avec Khrouchtchev, nous nous sentons entre camarades, nous sommes à l'aise. »
On retrouve cette attitude envers l'ensemble des partis marxistes-léninistes. Keng Piao, l'homme du comité central du P"C"C, piétinait ouvertement l'internationalisme prolétarien : « La Chine n'approuve pas la création de partis marxistes-léninistes et ne souhaite pas la visite de leurs représentants en Chine. Leur venue nous fait du tort, mais nous n'y pouvons rien, car nous ne pouvons pas les chasser. Nous les recevons tout comme nous recevons les représentants des partis bourgeois. »
Cette phrase n'est certes pas de Mao lui-même mais on se demande comment Keng Piao aurait pu subsister à un si haut poste sans l'approbation de Mao. De manière générale, la Chine de Mao a joué un rôle particulièrement réactionnaire à l'échelle mondiale en promouvant la "pensée mao-tsteong", en soutenant les partis révisionnistes en Europe et en d'autres endroits. Etaient qualifiés de "marxistes" tout ceux qui propageaient le point de vue chinois (condamnation des "quatre", reconnaissance de la Chine comme "grand pays socialiste", etc.). Etaient qualifié "d'anti-marxistes" tous ceux qui tentaient de démystifier la Chine de Mao et son idéologie, à commencer par les authentiques marxistes-léninistes. On voit donc que la Chine de Mao a rendu service à la bourgeoisie de bien des pays dans leur lutte contre le marxisme.
La lutte contre le révisionnisme maoïste nous confronte à un fait récurrent. C'est que derrière les slogans, derrière le vernis marxisant, dès qu'on gratte un peu, on découvre de l'anti-communisme. Les maoïstes, tout comme la gauche en général (par exemple les trotskystes), sont les spécialistes de l'anti-communisme au nom du "communisme", à vomir pour tout socialiste qui a un tant soit peu de respect pour la doctrine de Marx.
j- De l'échec de la "troisième voie" à la soumission de la Chine à l'impérialisme américain
Evidemment la "troisième voie", la "sortie du stalinisme par la gauche" n'existe pas (d'ailleur, le marxisme n'est pas plus de gauche qu'il n'est de droite, ce n'est pas pour rien que Lénine qualifiait le gauchisme de "maladie infantile"). Capitalisme ou communisme. Idéologie bourgeoise ou idéologie socialiste, il n'y a pas de milieu. De la même manière que les réformistes finissent par toujours retourner dans le camp du capital, Mao fit de même. Dès lors le maoïsme finit rapidement par montrer son échec, et dès 1972 Mao mit fin à l'expérience en vendant des actions des monopoles d'état aux investisseurs américains (suite aux accords Mao-Nixon et à la visite de Kissinger en Chine). Mao utilisa les anciennes colonies anglaises comme Hong Kong pour établir de nouvelles relations avec les capitalistes occidentaux et le commerce mondial. La bourse de Hong Kong servit de base à l'ouverture de la Chine au marché mondial. Les "Red Chip" (voir les entreprises entrées en bourse en 1972, donc de l'ère de Mao et non de Deng Xiaoping !), ces entreprises d'état chinoises, furent donc vendues aux investisseurs américains, et à ce moment la bourgeoisie qui avait fait la révolution chinoise devint une bourgeoisie compradore. Les investissements étrangers furent ouverts, ce qui fit de la Chine l'atelier du monde, important des capitaux et exportant des marchandises. Aujourd'hui encore, plusieurs grandes sociétés d'état en Chine sont ces sociétés de l'ère maoïste, douloureux souvenir vite effacé par les tenants du maoïsme...
On peut, si on cherche bien, trouver la cause de cette capitulation de la Chine face à l'impérialisme américain. En 1969, la bourse de Hong Kong était ouverte et il semble que les entreprises d'état chinoises y aient été côtées à cette période. En 3 ans, le cours des actions a monté puis chuté aussi vite, jusqu'à l'année 1972, précisément l'année où la Chine a accepté l'entrée des investisseurs étrangers dans le capital des entreprises d'état chinoises côtées à Hong Kong. Les difficultés économiques de la Chine et les insuffisances de son capitalisme ont créé un contexte dans lequel la bourgeoisie chinoise avait un intérêt pressant à devenir une bourgeoisie compradore, seul gage de sa survie.
Je ne parlerai même pas de l'absurde théorie des "trois mondes" qui cherchait à justifier une "voie spécifique" du socialisme chinois "non-aligné", théorie dans laquelle il pourrait subsister au sein du système impérialiste mondial des nations qui ne soient ni impérialistes ni soumises à l'impérialisme. Il est assez comique que Mao ait lancé cette théorie au moment-même où la Chine se dirigeait vers une soumission croissante à l'impérialisme américain. Dans les faits il ne peut subsister longtemps de pays capitaliste "non-aligné". On le voit depuis des décennies, toutes les révolutions bourgeoises anti-impérialistes (Cuba, Vietnam, Corée du Nord, Egypte, Libye, etc.) ont suivi le chemin de la soumission à l'impérialisme après une courte libération nationale. Depuis les années 2000, si la Chine cesse peu à peu d'être soumise à l'impérialisme américain c'est uniquement parce qu'elle devient à son tour un pays impérialiste... Tant qu'on parle d'un pays capitaliste, et dans le système impérialiste mondial tel qu'i existe depuis plus de 100 ans, il ne saurait exister bien longtemps une "troisième voie" entre pays impérialistes et pays soumis à l'impérialisme.
Il n'y a pas eu de "méchant Deng Xiaoping" (successeur de Mao, soit disant fossoyeur du socialisme maoïste selon les maoïstes, bien que protégé par Mao pendant de années). Dès l'époque de Mao, la bourgeoisie chinoise fit preuve de soumission envers les américains. Les maoïstes succédèrent aux trotskystes dans la lutte contre l'URSS. Soit disant parce que l'URSS était devenue révisionniste (ce qui est vrai), mais en réalité ce n'était qu'un prétexte comme je l'ai démontré plus haut (voir sur les relations avec l'URSS). Et comme je l'ai amplement démontré, la Chine n'a jamais été un pays socialiste, ni sous Mao, ni sous Deng Xiaoping.
k- La lutte contre le prétendu "hoxaïsme" masque une véritable lutte contre le marxisme
Le recours à l'anathème "Hoxha" était un moyen de détourner l'attention sur les incompatibilités fondamentales, criantes et évidentes entre la pensée de Marx et celle de Mao. (Hoxha était le dirigeant de l'Albanie socialiste, critique envers le maoïsme). La question du maoïsme, de ses thèses révisionnistes, n'a rien à voir avec l'Albanie. Le problème du maoïsme est vis à vis du marxisme. En vérité, pourquoi le maoïsme a besoin du "hoxhaïsme" ? Parce que critiquer le "hoxhaïsme" (doctrine qui n'existe pas), c'est critiquer de manière détournée le marxisme-léninisme. En s'attaquant aux "hoxhaïstes", les maoïstes entendent ainsi pouvoir attaquer et critiquer violemment les fondements-mêmes de la doctrine de Marx, Engels et Lénine, mais sans que ça se voit trop. Manque de chance pour eux, le "hoxaïsme" n'existe pas, et la critique du maoïsme n'a aucun rapport avec l'Albanie. C'est vis à vis du marxisme que le maoïsme est en porte à faux. Voilà ce que s'évertuent de dissimuler les maoïstes lorsqu'ils critiquent le prétendu "hoxhaïsme". Dans la stratégie des maoïstes pour combattre le marxisme, Hoxha est ce qu'on appelle un "homme de paille". C'est cette diversion qui permet aux maoïstes de lutter subrepticement contre les principes fondamentaux du marxisme. Quand les marxistes-léninistes critiquent le maoïsme, ce n'est pas l'histoire de l'Albanie qui est en jeu mais l'ensemble de la théorie de Marx et Lénine...
Si toutefois on veut parler de l'Albanie et de son dirigeant Hoxha, celui-ci a tendu la main à de nombreuses reprises à la Chine maoïste, avant de découvrir petit à petit quel genre de "pays socialiste" était la Chine et quel grand "marxiste-lénininste" était Mao. Comme le reste du monde, les albanais croyaient en effet à la propagande selon laquelle la Chine était un "grand pays socialiste". Les albanais n'ont pas attendu la mort de Mao pour critiquer le maoïsme. Il aura fallu quelques années pour que la politique girouette de Mao éveille les soupçons du PTA (Parti du Travail d'Albanie) et conduise Enver Hoxha à dissiper le brouillard entretenu par les maoïstes sur la réalité chinoise. Dès le milieu des années 1960, Hoxha avait parfaitement caractérisé l'essence du maoïsme, à savoir une idéologie de révolution bourgeoise d'émancipation nationale mais non une révolution socialiste. Mao lui-même l'avait d'ailleurs admis plus tard (voir la première partie de mon texte). Mao ne publia plus rien de 1949 jusqu'à sa mort en 1976, c'est seulement à travers des discussions que nous pouvons avoir quelques traces de l'avis de Mao après 1949 (la matière première qui a servi à la fabrication de la "troisième épée" : le vide...). Au contraire, les dirigeants bolchéviques ont toujours accordé une grande importance à la théorie, aussi bien avant que pendant et après la révolution. Ainsi ni Lénine ni Staline ne s'arrêtèrent d'écrire une fois les premières années de la révolution passées. Hoxha aussi écrivit, tant avant qu'après la victoire du PTA, ce qui nous permet aujourd'hui de mesurer l'ampleur (et la vérarcité) de sa critique de l'expérience maoïste, ainsi que du fond idéologique de Mao et des maoïstes, très éloigné du maxrisme-léninisme...
Enver Hoxha résumait son point de vue sur le maoïsme de façon on ne peut plus claire : « J'ai indiqué dans un des mes écrits qu'il fallait abattre les mythes, et je pensais précisément au mythe de Mao Tsétoung, ce mythe qui le présentait comme un 'grand' marxiste-léniniste. Mao Tsétoung n'est pas un marxiste-léniniste, mais un démocrate révolutionnaire progressiste et c'est à travers ce prisme qu'il faut, à mon sens, étudier son oeuvre. »
Ainsi pour Hoxha il n'y avait pas deux marxismes-léninismes, mais un seul. Le maoïsme étant une idéologie qui n'est donc non seulement pas marxiste-léniniste, mais en plus foncièrement anti-marxiste-léniniste, en dépit de tous les mensonges et de toutes les mystifications de la part du maoïsme pour s'enduire d'un vernis marxisant. Comme je l'ai démontré au cours de ce texte, il n'y a pas besoin de gratter beaucoup ce vernis pour apercevoir quel genre "d'étape supérieure du marxisme-léninisme" constitue le maoïsme, et ce, peu importe les efforts déséspérés que font les maoïstes pour le dissimuler ou se le dissimuler à eux-mêmes derrière des phrases toutes faites et des slogans pavloviens !...
Dans Marxisme et révisionnisme, Lénine rappelait qu'à l'origine le révisionnisme provenait de courants socialistes pré-marxistes (souvent petit-bourgeois ou bourgeois), qui prirent le masque du marxisme une fois leur fond de commerce délaissé par les ouvriers : « Le socialisme prémarxiste est battu. Il poursuit la lutte, non plus sur son terrain propre, mais sur le terrain général du marxisme, en tant que révisionnisme. »
Le maoïsme prétend avec force qu'il est marxiste-léniniste mais s'il ne peut s'empêcher parfois de faire tomber le voile en critiquant ouvertement les fondements du marxisme-léninisme. Ainsi certains maoïstes se disent "marxistes-léninistes"-maoïstes mais "principalement maoïstes" ! Oui, donc principalement révisionnistes, principalement anti-marxistes et principalement anti-communistes. Aller, encore un effort, on y est presque, il ne reste plus qu'à enlever les deux premières lettres de "ML"M et le fond correspondra bientôt à la forme !
l- De l'importance de la lutte contre le maoïsme à l'heure actuelle
Pour ce qui est de l'influence du maoïsme en occident, elle s'est superposée à celle du trotskysme, dans les mêmes milieux et pour les mêmes raisons. Beaucoup de petits bourgeois, d'adeptes du trotskysme se sont en éclair convertis à la nouvelle religion maoïste.
Et pour les mêmes raisons, le maoïsme conserve encore une certaine influence (forte présence petite bourgeoisie en occident). Son arme préférée consiste à usurper le discours marxiste tout en professant de façon éhontée le contraire du fond du discours marxiste.
Si le lecteur se demande pourquoi j'ai tant écrit sur le maoïsme, je peux répondre très simplement. En effet je suis bien conscient que dans la tête de quelqu'un qui ignore tout du socialisme, rien ne ressemble autant à un marxiste qu'un maoïste, tout comme personne sauf les irlandais ne sait ce qui les différencie des anglais. Et pourtant il y en a une sacré différence. Les montagnes de preuves que j'ai accumulé ici (et ailleurs), ne suffiront sans doute pas à "convaincre" les maoïstes qu'ils ne sont pas marxistes, je ne me fais aucune illusion là-dessus car avant tout c'est leur intérêt de classe qui les fait penser ce qu'ils pensent.
En revanche il est important de démolir à fond la théorie maoïste. Et si on regarde ce que faisait par exemple Lénine, ce n'est pas que lutter contre le tsarisme. Les trois quarts du temps, il le passait à lutter férocement contre les mencheviks, les anarchistes et les socialistes-révolutionnaires (ces derniers sont l'équivalent de nos maoïstes actuels). Et pour cause, il fallait leur arracher toute influence sur le mouvement révolutionnaire. Il est difficile à l'heure actuelle de mener cette lutte car même si tout "socialiste" issu de l'intelligentsia est suffisament intelligent pour voir à la lumière de ces arguments irréfutables à quel point le maoïsme est le contraire du marxisme (et non quelque chose "d'un peu différent"), il est aussi évident que leur intérêt de classe penche plus facilement du côté du maoïsme. La question de savoir de quel côté finiront les petits bourgeois hésitants n'est donc pas secondaire, même s'il ne faut pas trop compter sur eux, alors même qu'ils seraient plus utiles au socialisme du côté du marxisme que du côté du maoïsme...
Tout comme les autres "erreurs" de cette galerie, le maoïsme appartient au panthéon de la gauche et non du marxisme. Mao était donc un grand président de gauche, mais surtout un authentique anti-communiste. Ceux qui ne comprennent pas à quel point "la gauche" est le pire anti-communisme, le plus vicieux et retors ne peuvent évidemment pas comprendre l'intérêt de lutter contre le maoïsme. Ce ne sont pas les anti-communistes ouverts qui sont les plus dangereux, mais ceux qui, selon l'expression de Lénine, nous offrent sous couleur de marxisme quelque chose d’incroyablement incohérent, confus et réactionnaire.
La lutte prioritaire du marxisme doit se diriger non pas contre "la droite", mais contre la gauche, et en particulier contre l'extrême gauche, qui est l'ennemi mortel du marxisme, l'ennemi insidieux, caméléon, le plus redoutable et le plus vicieux. C'est cet ennemi qu'il convient de combattre en premier. Ce ne sont pas ceux qui combattent ouvertement le communisme qui sont les plus dangereux mais ceux qui font du "presque"-marxisme, du "presque"-communisme, du "un peu différent" voire "un peu mieux" (nulle part bien sur, si ce n'est dans leur tête, car en réalité le "un peu différent" cache du radicalement différent et opposé). C'est cette lutte qui malheureusement est aussi âpre qu'inévitable, devra occuper encore un moment le marxisme.
Il faut que les uns ou les autres aient raison, mais il n'y a pas de milieu, et ceux qui hésitent doivent choisir. Ceux qui ne choisissent pas, l'histoire nous montre que lorsque les évènements les oblige à choisir, ils tombent inévitablement du côté de la réaction, du côté qui est leur leur en réalité (quoi qu'ils fassent pour le dissimuler ou se le dissimuler à eux-mêmes). Lénine l'avait très bien compris : Le problème se pose uniquement ainsi : idéologie bourgeoise ou idéologie socialiste. Il n'y a pas de milieu (car l'humanité n a pas élaboré une "troisième" idéologie; et puis d ailleurs, dans une société déchirée par les antagonismes de classes, il ne saurait jamais exister d'idéologie en dehors ou au dessus des classes). C'est pourquoi tout rapetissement de l'idéologie socialiste, tout éloignement vis-à-vis de cette dernière implique un renforcement de l'idéologie bourgeoise.
"La lutte idéologique du marxisme révolutionnaire contre le révisionnisme, à la fin du XIX° siècle, n’est que le prélude des grands combats révolutionnaires du prolétariat en marche vers la victoire totale de sa cause, en dépit de toutes les hésitations et faiblesses des éléments petits-bourgeois." - Lénine
m- Sociologie du maoïsme et de l'intelligentsia
Je me demandais comment terminer ce dossier de critique du maoïsme. Je me suis dit que tant qu'à révéler des choses sur le maoïsme, autant le faire jusqu'au bout.
Tout comme les trotskystes et autres bourgeois soixante-huitards, les maoïstes sont célèbres pour avoir fourni toute une génération de cadres les plus pourris de la bourgeoisie.
Je vous laisse deviner quel est le point commun entre toutes ces personnes :
Jean-Claude Juncker, président de la commission européenne
Mario Draghi, ancien banquier de la Goldman Sachs, président actuel de la banque centrale européenne (BCE)
José Manuel Barroso, ancien président de commission européenne, recruté dans sa jeunesse par la CIA
Denis Kessler, ancien vice président du Medef, PDG du groupe Scor
Bernard Henri Lévy, philosophe autoproclamé, bienfaiteur du monde
André Glucksmann, décoré de la légion d'honneur en 2009 par Sarkozy
Alain Finkielkraut, philosophe autoproclamé
Bernard Kouchner, ancien ministre et traficant
Benny Levy, fondateur du journal bourgeois libération
July Serge, ancien directeur de libération
François Ewald, conseiller du Medef
Didier Truchot, PDG de l'institut de sondage Ipsos
Leur point commun vous l'aurez compris, tous sont passés dans leur jeunesse dans les rangs du maoïsme !
Voilà ce que deviennent les bourgeois de gauche (ou d'extrême gauche) une fois leur petite période "rebelle" passée. Tout cela n'a rien d'un accident. Le passage dans des organisations "révolutionnaires" constitue pour la bourgeoisie de gauche un rite de passage à l'âge adulte, tout comme la bourgeoisie de droite envoie ses adolescents faire la charité aux pauvres, etc.
Je cite ainsi un article de l'humanité sur José-Emmanuel Barroso :
« Barroso, ancien Premier ministre portugais, flamboyant soutien de Bush père lors de la première guerre en Irak, avait commencé son activité politique à l’âge de 18 ans dans un groupe maoïste après la révolution des œillets. Il était devenu leader du Parti du Prolétariat (MRPP) : « J’ai choisi les prochinois parce qu’ils étaient les plus anti-communistes », soulignait-t-il.
Au mois de novembre 1975, une coalition hétéroclite allant des socialistes à l’extrême droite chassait les militaires de gauche au pouvoir et le MRPP de Barroso lui apportait son soutien. « Je me réveillais d’un rêve ou d’un cauchemar, je revenais dans mon cercle naturel, celui de la petite bourgeoisie », disait-il.
La vérité sur ce personnage mérite quelques précisions. L’ambassadeur des États-Unis au Portugal à l’époque, Franck Carlucci, dépêché par Washington pour ramener le Portugal dans le droit chemin, n’est pas étranger à la reconversion de Barroso. Agent de top niveau de la CIA, Carlucci manipulait et finançait le MRPP. Il découvrait dans le jeune José Manuel un talent d’avenir. Sur les conseils de son nouveau protecteur, Barroso adhérait au Parti social-démocrate (PSD) et gravissait tous les échelons de la hiérarchie. Jusqu’au poste de Premier ministre. L’Union européenne peut donc se satisfaire d’avoir eu à sa tête jusqu’à aujourd’hui un candidat choisi, formaté et propulsé par la CIA. » (Source)
Bien évidemment, les organisations maoïstes actuelles ne sont pas faites que de ces grands bourgeois et il serait malhonnête de ma part d'assimiler à des petits BHL tous les maoïstes. Le cas des maoïstes actuels, de la classe moyenne déclassée, j'ai expliqué la source de leur révisionnisme dans mon article sur le révisionnisme. Dans ma sociologie de l'intelligentsia, je distinguais deux faces du gauchisme, les intellectuels accomplis (dans le genre BHL, l'extrême gauche de science po), et les intellectuels refoulés, qui eux ont atteints du "complexe de classe". Je cite mon propre texte sur la deuxième catégorie :
« L'intellectuel refoulé, celui-ci n'arrive pas à intégrer le gratin de l'intelligentsia et se retrouve souvent déclassé. Ceux-ci développent donc des théories révisionnistes alternatives, qui prétendent s'opposer aux premières. Ainsi les anarchistes et les socialistes révolutionnaires en Russie, et aujourd'hui de nouveaux courants spontanéistes, maoïstes, etc. se rangent dans cette catégorie. "Les masses", tel serait le summum de l'intelligence et de la conscience. Ainsi, ces intellectuels ne s'embarassent pas de la scholastique professorale et universitaire qu'ils jugent inutile dans leur agitationisme virtuel. Leur misérabilisme et leur ouvriérisme (à l'époque de Lénine le misérabilisme se portait davantage sur la paysannerie), s'explique simplement. L'intellectuel raté voue une haine à l'intellectuel accompli, et retourne donc cette haine de l'intellectuel vers lui-même. Sa tâche est donc d'expier sa faute d'être un intellectuel issu de la fabrique bourgeoise de l'intelligentsia. Aussi fait-il tout ce qu'il peut pour dissimuler cette tare qu'il juge honteuse. Pour rabaisser la figure de l'intellectuel accompli, l'intellectuel raté va, comparativement, élever la figure du voyou, de la pègre, de l'ouvrier (ce qu'ils s'imaginent être l'ouvrier plutôt), de la racaille, du rappeur, de l'immigré clandestin, etc. C'est de là que vient le rejet de tout travail théorique, de la science (et donc autant de la pseudo-science du révisionnisme officiel que du vrai marxisme !) de la part des ces intellectuels, qui agissent alors comme de véritables curés obscurantistes. Pour expier sa faute, l'intellectuel raté va checher à se traverstir en prolétaire (ou en ce qu'il s'imagine être un prolétaire !), faire de l'entrisme dans la classe ouvrière, etc. S'imaginant d'ailleurs qu'il s'agit forcément du prolétariat. L'intellectuel refoulé, tout comme l'intellectuel accompli, bien qu'il prétende que "la vérité vient des masses", et malgré toutes les auto-flagellations, ne peut s'empêcher de carresser l'espoir d'être lui-même le professeur qu'il n'a pas pu être, mais cette fois vis à vis des "masses" (qui sont en fait le cliché des enclaves sous-prolétaires qui constituent quelques nids à misère bien visible au sein de la capitale). Bien sur par là ils n'entendent nullement enseigner le marxisme et élever le niveau de conscience des masses. Par là ils entendent propager leur propre ignorance, leurs préjugés bourgeois, par là ils entendent se substituer aux clercs officiels de la bourgeoisie à moindre prix. Ainsi le sociologue d'état Bourdieu a par exemple tenté, bien avant "nuit debout" de concurrencer l'intelligentsia accomplie du parti socialiste sur ces terres de banlieue en jouant à l'apprenti "révolutionnaire" spontanéiste.
Mais la seule façon de combler le vide théorique est un culte de l'organisation et des manifestations. Par exemple depuis combien de temps nos anarcho-maoïstes peinent-ils à monter leur organisation de jésuites modernes, à prêcher les mêmes slogans sur la "lente construction du parti" qui n'est au final qu'une poignée de cercles petits bourgeois de l'intelligentsia d'où sont bien évidemment absentes les prétendues masses qu'ils prétendent représenter. Ainsi le NPA, les groupes anarchistes, mao-spontanéistes, les "anti-fa", etc. entrent dans cette catégorie. Leur propension à rejeter tout discours théorique les rend particulièrement vulénrables aux manipulations de type Sorros, qui consiste à financer des agitateurs pour le compte d'intérêts impérialistes et financiers. Il s'agit donc pour résumer des diverses variante d'anarchisme, c'est à dire de réformisme violent et déspeséré. Les cerveaux des mouvements djihadistes en France se rangent aussi dans cette catégorie. »
Dans le genre de ces anciens maoïstes, Gérard Miller travaille actuellement pour Jean-Luc Mélenchon et a notamment réalisé un film-documentaire faisant l'apologie du tribun, dont la base sociale et électorale est d'ailleurs l'intelligentsia française elle-même (beaucoup moins que le prolétariat).
Cette petite sociologie du gauchisme et de l'intelligentsia dont il est issu permet de comprendre maintenant le maoïsme dans son ensemble. J'ai à la fois critiqué le mythe de la Chine maoïste, et expliqué la source du révisionnisme maoïste ici en France, c'est à dire, comment le révisionnisme maoïste s'est superposé à d'autres formes de révisionnisme plus anciennes pour donner les mouvements maoïstes actuels en France. Pour plus d'explications, je renvoie à l'intégralité de mon texte (en particulier la partie III, sociologie de l'intelligentsia).
Informations sur ce site
Ce site entend donner aux communistes les outils intellectuels et idéologiques du marxisme-léninisme. A son époque déjà, Lénine notait "la diffusion inouïe des déformations du marxisme", il concluait que "notre tâche est tout d'abord de rétablir la doctrine de Marx". Ces éléments théoriques ont pour but de participer à la formation des jeunes cadres dont le parti du marxisme révolutionnaire aura besoin en France au cours des prochaines années. A son époque, Marx remarquait déjà "qu'en France, l’absence de base théorique et de bon sens politique se fait généralement sentir". Le manque de formation marxiste-léniniste est un obsctacle majeur à la construction d'un futur parti et un terreau fertile au maintien (voire au retour) des thèses réformistes, révisionnistes, opportunistes qui occupent actuellement tout le terrain sous une multitude de formes. Ce site n'est qu'une initiation au marxisme-léninisme. Les textes ne sont pas suffisants à la maîtrise du marxisme, ils sont une tentative de vulgarisation, d'explication de la pensée marxiste, ainsi qu'un éclairage de l'actualité à l'aide de cet outil. Il va de soi qu'une lecture des classiques du marxisme-léninisme est indispensable.
Vive la révolution marxiste du prolétariat !
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